Les semences paysannes

Le Réseau Semences Paysannes est un réseau constitué de plus de soixante-dix organisations, toutes impliquées dans des initiatives de promotion et de défense de la biodiversité cultivée et des savoir-faire associés.

Outre la coordination et la consolidation des initiatives locales, le Réseau Semences Paysannes travaille à la promotion de modes de gestion collectifs et de protection des semences paysannes, ainsi qu'à la reconnaissance scientifique et juridique des pratiques paysannes de production et d'échange de semences et de plants.

Plus précisément, le Réseau Semences Paysannes oeuvre pour :

  • favoriser la diffusion des semences paysannes et des savoir-faire associés,
  • développer et promouvoir leur gestion dynamique dans les fermes et les jardins,
  • sensibiliser aux enjeux réglementaires et politiques en rapport avec les semences.
Les membres du Réseau s'engagent dans des actions de collecte, de sauvegarde, de sélection, de multiplication, de valorisation par la transformation et de diffusion des semences de blés, maïs, potagères, plantes fourragères, d'arbres fruitiers, de plantes aromatiques et médicinales...

Les semences paysannes c'est quoi ?

dessin petite et poilue

Les semences (i) paysannes sont un commun inscrit dans une co-évolution entre les plantes cultivées, les communautés et les territoires (notions développées dans la charte du Réseau Semences Paysannes). Elles sont issues de populations dynamiques (ii) reproduites par le cultivateur, au sein d’un collectif ayant un objectif d’autonomie semencière. Elles sont et ont toujours été sélectionnées et multipliées avec des méthodes non transgressives de la cellule végétale et à la portée du cultivateur final, dans les champs, les jardins, les vergers conduits en agriculture paysanne, biologique ou biodynamique. Ces semences sont renouvelées par multiplications successives en pollinisation libre et/ou en sélection massale, sans auto-fécondation forcée sur plusieurs générations. Les semences paysannes, avec les savoirs et savoir-faire qui leur sont associés, sont librement échangeables dans le respect des droits d'usage définis par les collectifs qui les font vivre.

(i) Semences = semences et plants (hors plants maraîchers à repiquer)

(ii) Les semences paysannes peuvent appartenir à des variétés populations ainsi définies : les variétés populations sont composées d'individus exprimant des caractères phénotypiques proches mais présentant encore une grande variabilité leur permettant d'évoluer selon les conditions de cultures et les pressions environnementales. Elles sont définies par l'expression de caractères issus de combinaisons variables de plusieurs génotypes ou groupes de génotypes. Une variété population est définie comme une entité eut égard à son aptitude à être reproduite conforme avec des pratiques agronomiques et dans un environnement déterminés.

* Définition de 2019, consentie collectivement lors d'une Assemblée Générale du RSP. A l'instar des semences paysannes, elle est un construit collectif et évolutif: elle pourra donc être retravaillée, précisée...

Pourquoi les semences paysannes ?

Le monopole radical exercé par l'industrie sur les semences a provoqué la disparition de 75 % de la biodiversité cultivée en 50 ans. Pourtant, les paysan-e-s du monde ont toujours sélectionné et produit leurs semences et par delà entretenu cette biodiversité cultivée essentielle à notre alimentation. La majorité d'entre eux utilisent toujours des semences paysannes. A l'opposé des hybrides F1, des clones et autres OGM industriels, les semences paysannes sont libres de droits de propriété et sélectionnées de façon naturelle dans les fermes et les jardins menés en agriculture paysanne, biologique ou biodynamique. Rustiques et peu exigeantes en intrants, elles possèdent aussi une grande diversité génétique qui les rend adaptables aux terroirs, aux pratiques paysannes ainsi qu'aux changements climatiques. Elles forment ainsi une des leviers principaux pour assurer la souveraineté alimentaire des populations au sud comme au nord.

 

Historique

Les premières sociétés agricoles ont domestiqué la plupart des espèces nourricières cultivées encore aujourd'hui. Au gré des migrations et des échanges de semences, ces peuples ont acclimaté les espèces et les variétés cultivées dans leurs différents lieux de vie. Par la sélection humaine et les mécanismes d'évolution naturelle, une formidable diversité a été sans cesse brassée et renouvelé au travers l'acte fondateur de conserver une partie de sa récolte pour la ressemer.  Cette coévolution entre les êtres humains et les plantes s'est poursuivi pendant des millénaires et a fourni des millions de variétés adaptées à chaque territoire : c'est ce qu'on appelle aujourd’hui la biodiversité cultivée.

A partir du XXième siècle, l'industrialisation de l'agriculture provoque une rupture dans cette coévolution multimillénaire. La semence, comme la fertilisation, la défense des cultures, les savoir-faire et les normes techniques, doit être produite en dehors des fermes, dans un objectif de standardisation, pour une industrialisation générale et massive. Elle devient un moyen de faire entrer le progrès dans les fermes en étant associée, dans un même paquet technologique, aux engrais et pesticides chimiques, à une mécanisation exponentielle, et au recours à l'irrigation. Ce processus dépossède les paysans en quelques générations de l'ensemble des savoirs-faire semenciers et remplace les centaines de milliers de variétés paysannes par quelques variétés modernes issus du « progrès génétique ».

Cette agriculture ne dépend plus de la coévolution mais de la standardisation des milieux, des fermes et des plantes. Une réussite commerciale pour l’agroindustrie mais une catastrophe pour la diversité des plantes cultivées: par exemple, en France, seules quelques variétés de blé, très proches génétiquement les unes des autres, couvrent 80% de l’assolement annuel en blé tendre. De plus, ces variétés sont toutes des lignées pures (diversité intra-variétale nulle). L'industrie, en ne sélectionnant qu’une infime part de traits génétiques en laboratoire pour les généraliser dans de vaste monocultures de variétés industrielles, épuise par là-même cette diversité nourricière. Aujourd'hui, l'écrasante majorité des variétés du commerce proviennent donc de sélections industrielles (lignées pures, hybrides F1, OGM) et n’est pas adaptée au mode de production agrobiologique et paysan. Elles sont de plus couvertes par des droits de propriété industrielle ce qui posent de nombreux problèmes sociaux, économiques et éthiques (voir Semons nos droits).

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pdf10 idées reçues sur les semences paysannes

pdf10 mesures pour que vivent les semences paysannes

pdfJournal la biodiversité ça se cultive aussi

Pour aller plus loin

Les Maisons des Semences Paysannes

L'agriculture intensive des pays occidentaux, basée sur un modèle d'exportation, ne produit que 30 % de l'alimentation consommée dans le monde. Les petites fermes, quant à elles, produisent plus de 70% de la nourriture disponible sans dégrader les sols, l'environnement ou le climat. 90% des paysans dans le monde utilisent leurs semences paysannes. Ces paysans échangent leurs semences et leurs plants et ressèment chaque année une partie de leur récolte qu'ils ont soigneusement sélectionnée.

Maison Semences PaysannesÉchange autour des semences - Rencontres internationales du RSP 2015

L'agriculture intensive des pays occidentaux, basée sur un modèle d'exportation, ne produit que 30 % de l'alimentation consommée dans le monde. Les petites fermes, quant à elles, produisent plus de 70% de la nourriture disponible sans dégrader les sols, l'environnement ou le climat. 90% des paysans dans le monde utilisent leurs propres semences. Ces paysans échangent leurs semences et leurs plants et ressèment chaque année une partie de leur récolte qu'ils ont soigneusement sélectionnée Dans les pays peu industrialisés, les système semenciers autonomes font partie intégrantes des sociétés paysannes. Ils forment des réseaux horizontaux d'échanges, souvent informels, qui enrichissent sans cesse la biodiversité domestique. Pour renouer avec ces pratiques collectives et retrouver les savoir faire paysans autour des semences, les membres du RSP sont allés à la rencontre d'expériences de sélection paysanne dans plusieurs pays. Suite à un voyage d’échange au Brésil où les paysans produisent et conservent en commun des semences dans des Casas de Sementes Criolas (littéralement : Maisons des Semences Créoles) l’idée s’est répandue en France et des Maisons des Semence Paysannes germent un peu partout. Pour ne plus être seuls, pour pouvoir échanger, pour assurer une conservation collective des semences paysannes, les paysans s’organisent entre eux, mais aussi avec des jardiniers, des artisans, des cuisiniers..., pour conserver et sélectionner collectivement les semences des variétés dont ils ont besoin. Cette nécessité de s'organiser collectivement est le socle commun des Maisons des Semences Paysannes :

  • Il est très difficile aujourd'hui de conserver, sélectionner et produire seul toutes ses semences, et de faire face au risque de pertes (intempéries, maladies, mauvaises récoltes). Les Maisons des Semences Paysannes permettent de mutualiser les différentes étapes, de sécuriser les collections vivantes et de renouveler la biodiversité cultivée. Les jardiniers peuvent par exemple maintenir un très grand nombre d’espèces et de variétés, chose souvent plus difficile pour les agriculteurs.
  • Elles constituent aussi un cadre permettant les échanges entre paysans de semences de variétés non inscrites dans les catalogues officiels (voir Semons nos droits)
  • Elles sont aussi un levier pour protéger les semences paysannes de possibles accaparements (biopiraterie, confiscation par des gènes et/ou des caractères brevetés). Elles constituent une alternative à l'extension perpétuelle du marché qui s'approprie tous les aspects de la vie, notamment par le biais des droits de propriété.

Pour aller plus loin