« Semences et propriété intellectuelle », avis n° 2 du Comité aux Enjeux Sociétaux du SEMAE, décembre 2023

Niveau juridique : France

Pour son deuxième avis, le Comité des enjeux sociétaux du SEMAE, créé en mars 2020, a choisi de se pencher sur la question des semences et du droit de la propriété industrielle. Il faut dire que le sujet est revenu sur le devant de la scène avec le projet de règlement sur les plantes issues de nouveaux OGM, et le lien fait avec les brevets sur le vivant.

Selon les termes même du Comité : « Cet avis sera versé aux discussions à venir pour écrire la position de l’interprofession sur le sujet de la propriété intellectuelle. ».

Pour préparer le présent avis, le CES a auditionné des experts de la question de la propriété intellectuelle, des chercheurs en génétique et amélioration des plantes, des représentants d’entreprises du secteur semencier, des représentants d’instances de régulation.

La position prise par le CES dans cet avis, si elle a le mérite de poser les problématiques sur la table, reste somme toute très consensuelle : condamnation du brevet et glorification du COV.

Principales recommandations :

  • « Intégrer la question de la protection intellectuelle dans les discussions européennes sur la réglementation des nouvelles technologies génomiques (NTG) (…) Afin d’avoir un débat politique éclairé sur les impacts des NTG, le CES recommande d’intégrer la question de la propriété intellectuelle dans les discussions sur la réglementation des NTG. 

  • Remettre les principes du COV au cœur de la propriété intellectuelle des plantes (…) le CES considère que le droit de l’obtention végétale, parce qu’il est fondé sur un principe d’innovation ouverte, est particulièrement adapté. Le CES considère en outre que les multiples tentatives pour concilier brevet et COV complexifient considérablement le système, n’apportent pas la sécurité nécessaire aux opérateurs et conduisent inéluctablement à une remise en cause de l’exemption du sélectionneur et du privilège du fermier. (…) Le CES recommande de :

    • Appliquer strictement l’exclusion de protection de la variété par brevet et l’étendre aux plantes et aux caractères qu’elles contiennent (…)

    • Travailler en droit la notion d’exception agroécologique

    • Limiter les brevets d’invention aux technologies et interdire la protection par brevet des caractères génétiques, qu’ils soient considérés comme natifs ou non (…).

    • Dans l’immédiat, étant donné l’existence de brevets sur des caractères, élargir la disposition des licences obligatoires en supprimant la condition de l’« intérêt économique considérable ».

    • Dans l’immédiat également, généraliser au niveau européen l’exemption du sélectionneur en droit des brevets (…)

    • Approfondir l’étude des modalités de mise en œuvre du concept d’essentielle dérivation. Travailler la notion de « caractère essentiel » de façon à trouver des solutions de compromis permettant de rémunérer le travail d’invention sur des caractères tout en maintenant l’exemption du sélectionneur.

  • Renforcer une infrastructure publique de connaissances (…) Il est nécessaire de renforcer l’infrastructure de connaissances en développant un ensemble des technologies, des méthodes et des ressources génétiques dans un cadre de science ouverte, en support à la transition agroécologique et à l’adaptation au changement climatique :

    • Mettre en place des opérations de recherche et développement dans des domaines à risque ( pre-breeding , sélection variétale d’espèces mineures, preuve de concept sur des traits ou des types de variétés « risqués » …). Ceci peut être réalisé en partie dans le cadre de partenariats public-privés aussi larges et inclusifs que possible, en évitant des collaborations bilatérales. (…)

    • Développer des technologies libres de droit en support à la sélection variétale. Dans le cadre de cette réflexion, la diffusion d’une publication scientifique dans une revue accessible au public peut être envisagée comme solution pour diffuser la connaissance scientifique dès lors qu’un dépôt de brevet serait jugé bloquant pour l’innovation et la recherche, ce qui est le cas pour les brevets portant sur des gènes et caractères notamment « natifs » (…)

    • Contribuer à la création et à l’entretien de biens communs : ressources génétiques et génomiques, méthodologies d’évaluation des risques et de la valeur agronomique, technologique et environnementale (VATE).

    • Mettre en place des modalités de financement pérennes et efficientes pour l’ensemble de ces activités. (…) »

On notera tout de même quelques passages assez intéressants, qui témoigne d’un regard critique sur le monde agricole actuel, comme cette citation du résumé exécutif « Alors que le paradigme dominant de la variété distincte, homogène et stable (DHS) a conduit à adapter le milieu de culture à la semence, il faudra dans de nombreux cas faire l’inverse : adapter les semences aux caractéristiques des agroécosystèmes. »

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