Parlement européen, Commission environnement, projet d’avis à l’intention de la commission agriculture sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant la production et la commercialisation des matériels de reproduction des végétaux dans l’Union, 7 décembre 2023, 2023/0227(COD)

Niveau juridique : Union européenne

Ce document présente la position de la Commission environnement, consultée pour avis dans le cadre de la procédure législative (la Commission agriculture étant compétente), à travers la voie de son rapporteur, Christophe Clergeau.

La partie « Justification succincte », dont voici quelques extraits (passages en gras soulignés par nos soins), résume cette position, bien plus favorable aux droits des paysan.ne.s et à la protection de la biodiversité cultivée.

« (…) Au nom du principe de proportionnalité et du droit des agriculteurs à utiliser leurs propres semences et autres MRV, les agriculteurs ne doivent pas être tenus de suivre les principes établis dans cette proposition qui s’applique seulement pour la production des MRV destinés à être commercialisés en tant que MRV et non à d’autres fins comme l’alimentation par exemple. En outre, votre rapporteur considère queles agriculteurs doivent disposer d’une dérogation pour leurs pratiques d’échange de semences et autres MRV, y compris dans le cas du versement d’une compensation pour les coûts engendrés.

Des dérogations sont également prévues pour faciliter la conservation de certains MRV, pour reconnaître les spécificités des matériels hétérogènes de reproduction des végétaux, pour adapter les contraintes pour la vente à des acheteurs non professionnels, ou encore pour reconnaître les spécificités des banques de gènes et autres organisations œuvrant à la conservation. Votre rapporteur considère en particulier que les matériels hétérogènes constituent des réservoirs de diversité génétique suffisamment cruciaux dans l’objectif d’affronter les conséquences du changement climatique pour qu’il soit justifié que cette catégorie soit ouverte à toutes les espèces afin qu’elles puissent y trouver leur place. De manière générale, votre rapporteur considère toutefois qu’il est nécessaire d’exclure des différents régimes dérogatoires les MRV consistant en un organisme génétique modifié ou en un végétal NGT.

Pour être enregistrée comme une variété, la distinction, l’homogénéité et la stabilité du MRV doivent être attestées. Dans sa proposition, la Commission propose d’adjoindre un examen technique complémentaire sur la valeur culturale et d’utilisation durable (VCUD) qui doit mettre en évidence une « nette amélioration » de la variété par rapport aux variétés existantes déjà enregistrées. Votre rapporteur considère que la valeur d’une variété dépend en premier lieu des conditions dans lesquelles elle évolue et a été sélectionnée : une variété ne peut pas être considérée comme durable en soi, tout dépend du système de production agricole dans lequel elle s’inscrit. C’est pour cela qu’il convient de tester la VCUD dans différents modes de production, notamment dans les conditions sans pesticides de synthèse comme dans l’agriculture biologique. En outre, votre rapporteur considère que le test de la VCUD ne doit pas conduire à écarter des variétés si cela contribue à réduire la biodiversité cultivée. La VCUD doit également pouvoir rester optionnelle pour les fruits et les légumes en raison des coûts qu’elle implique pour les producteurs de semences de taille moyenne à petite.

Enfin, votre rapporteur considère que la proposition législative sur les MRV appelle à modifier la Directive 98/44 relative à la protection juridique des inventions biotechnologiques afin de préserver le libre accès aux ressources génétiques. Les MRV obtenus par les nouvelles techniques génétiques (NGT) ne doivent pas être brevetables afin de ne pas déstabiliser le dispositif des Certificats d’Obtention Végétal qui assure la rémunération équitable des obtenteurs sans freiner l’accès à l’innovation. Il convient également de limiter l’extension des brevets aux matériels biologiques qui en sont issus. Enfin, il est nécessaire d’élargir le champ de la délivrance des licences obligatoires en cas d’un bénéfice environnemental ou économique avéré. »

Dans les amendements proposés, on notera tout particulièrement :

  • sur la question du champ d’application :

    • exclusion des «  MRV vendus ou transférés de toute autre manière, à titre gratuit ou onéreux, à des fins d’essai officiel, de sélection, d’inspection, d’exposition ou à des fins scientifiques, notamment pour des recherches participatives à la ferme et pour les activités conduites par les banques de gènes » (amendement 7)

    • exclusion des «  MRV produits par les agriculteurs pour leur propre utilisation; » (amendement 8) et ceux « échangés à titre gratuit ou contre prise en charge des coûts, entre agriculteurs ou entre agriculteurs et utilisateurs finaux à des fins scientifiques, de sélection, et/ou de gestion dynamique de la biodiversité cultivée » (amendement 9)

  • sur la définition de « commercialisation » : limitation à la seule vente, détention et offre en vue de la vente (amendement 11)

  • exclusion des OGM et NGT catégorie 1 et 2 des modalités concernant le matériel hétérogène (amendement 12 et 24)

  • publicité des droits de propriété sur les étiquettes officielles (amendement 19)

  • échanges entre agriculteur.rice.s (amendement 34 à 40):

    • extension à l’ensemble des MRV (et pas seulement les semences)

    • possibilité d’une compensation des frais

    • échanges de quantités définies par les autorités compétentes « en fonction des besoins considérés normaux »

  • obligation des opérateurs professionnels : exemption de ces obligation pour la vente à des amateurs, la circulation entre banques de gènes/réseau de conservation et les échanges entre agriculteur.rice.s (amendement 60)

  • tests VCUD :

    • effectués « sous différents systèmes de production agricole » (amendement 66)

    • prise en compte de « la préservation du patrimoine traditionnel et culturel » et « l’amélioration de la durabilité des systèmes de production agricole, dans le cadre d’une approche écosystémique tenant compte de l’ensemble des interactions avec son environnement » dans les critères VCUD (amendement 68 et 69)

    • examen VCUD non obligatoire pour les espèces légumières (amendement 71)

  • variétés de conservation : gratuité de la demande (amendement 75)

  • dénomination variétale : prise en compte également des catalogue commerciaux, la documentation rendue publique par une personne impliquée dans la conservation dynamique pour déterminer si la dénomination est nouvelle, ainsi que des variétés traditionnelle ou locale ou des indications géographiques (amendements 77, 78 et 79)

  • durée de validité de l’enregistrement de 30 ans (au lieu de 10) pour les variétés de conservation (amendement 82)

  • demande d’un rapport de la Commission pour évaluer l’adéquation entre les dispositions introduites par ce règlement et les moyens dont disposent les autorités compétentes pour les mettre en œuvre et plus particulièrement sur l’examen technique de la VCUD qui doit rester dans les mains des autorités compétentes (et non être dévolue aux opérateurs pro comme le prévoit l’art. 61) (amendement 83)

  • modification de la directive sur les biotechnologies pour interdire le brevetage de végétaux NGT, leur matériel végétal, leurs parties et informations génétique et des végétaux etc. obtenus par des techniques de l’annexe 1B de la directive OGM (mutagénèse, cisgénèse…). (amendement 86)

  • interdiction du brevetage des traits natifs ( amendement 87)

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Des amendements peuvent être déposés sur ce projet jusqu’au 17/01/2024