LES VARIÉTÉS HYBRIDES : PROGRÈS GÉNÉTIQUE OU ARNAQUE ?

François Delmond,

Résumé

Les variétés génétiquement et artificiellement modifiées par des biotechnologies, dites OGM, nous offrent au moins une raison de nous réjouir : pour la première fois en Europe, un débat s’instaure sur les conséquences, à plus ou moins long terme, d’une innovation technique avant que son usage ne se généralise de façon presque irréversible. Cela n’a pas été le cas lorsque les sélectionneurs et semenciers ont commencé à avoir recours aux variétés hybrides F1 dans les années soixante et jusqu’à aujourd’hui.

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Texte complet

A ma connaissance, deux chercheurs français seulement se sont penchés sur ce problème. Très tôt, un sociologue, Henri Mendras, a étudié les répercussions socio-économiques dans les campagnes du sud-ouest de l’arrivée des premières variétés hybrides, celles de maïs. Il n’a pas été entendu.

Date d’apparition sur le marché français de la première variété hybride F1 chez quelques espèces cultivées
1948Maïs : introduction en France des 1ers hybrides américains,
1957Maïs : 1ers hybrides français (INRA),
Années 70Nombreux légumes : asperge, aubergine, carotte, chicorée endive, choux, concombre, courgette, épinard, melon, oignon, poivron, tomate + betteraves fourragère et sucrière,
Années 80Tournesol, chou fleur, fenouil, pastèque, dactyle
Années 90Poireau, radis de tous les mois, colza
Années 2000Artichaut

Beaucoup plus tard, en plein débat sur les OGM, Jean Pierre Berlan, chercheur économiste à l’INRA, a dénoncé vigoureusement les hybrides en montrant qu’ils sont aussi un premier pas vers les variétés OGM. Lui non plus ne semble pas avoir été entendu, en particulier du monde des chercheurs. Mais, bien que parti d’un autre point de vue, son analyse rejoignait et confirmait celle des entreprises artisanales de semences potagères biologiques et biodynamiques qui, depuis leurs débuts, boycottent systématiquement les variétés hybrides et celle des paysans du Réseau Semences Paysannes.

Il nous semble important de poursuivre ce débat en l’abordant sous d’autres points de vue.

LA CRÉATION VARIÉTALE CLASSIQUE.

Pour pouvoir comprendre ce que sont les variétés hybrides, il faut d’abord revenir sur la manière dont un sélectionneur crée une variété classique : variété fixée* dans le cas d’une espèce à dominante autogame* ou variété population* dans le cas d’une espèce à dominante allogame*. Simplifions au maximum :

Le sélectionneur commence par chercher deux individus A & B ( ou deux populations ) qui présentent chacune des caractéristiques intéressantes que l’autre n’a pas. Il souhaite rassembler l’ensemble de ces caractéristiques dans une même variété. Pour cela, il cultive A & B côte à côte mais soigneusement isolés de toute autre population. Il féconde A par B ( croisement par fécondation dirigée ) après avoir supprimé les étamines de A pour qu’il ne puisse pas s’auto féconder. Il récolte sur A la semence AB de première génération, dite F1 ( F1 pour ‘’1ère fécondation’’ ).

L’année suivante, il sème cette semence, laisse les individus se féconder librement et récolte la semence F2 et ainsi de suite pendant plusieurs générations. A chaque génération, il élimine, dans la population, tous les individus qui n’ont pas l’ensemble des caractéristiques repérées dans A et dans B. C’est la phase de sélection proprement dite qui permet de stabiliser la variété AB. A chaque génération, la proportion d’individus éliminés ( épuration ) diminue. Il faut 8 à 10 générations pour stabiliser AB. Cette phase de stabilisation est, en même temps, une phase de multiplication : chaque année, le nombre d’individus cultivés augmente, ceci afin de disposer de suffisamment de semences la huit ou dixième année pour pouvoir commercialiser aussitôt la variété. La qualité de la variété et sa valeur par comparaison avec les variétés antérieurement créées ( = progrès génétique ) dépendent uniquement du choix des géniteurs A & B et de l’intensité de la sélection.

LA VARIÉTÉ HYBRIDE.

Les sélectionneurs publics ou privés, les semenciers et leur interprofession, le GNIS*, ont toujours présenté les hybrides comme un progrès des méthodes de sélection pour le plus grand bien des agriculteurs. Il n’en est absolument rien et c’est ce que nous voulons démontrer maintenant.

En effet, pour produire des semences de variété hybride – par comparaison avec la production de semences de variété fixée ou de variété population, il suffit simplement de déplacer le processus de multiplication vers l’amont, chez le sélectionneur, afin d’opérer le croisement A x B dans le champ de l’agriculteur multiplicateur sous contrat avec le semencier, l’objectif étant d’avoir assez de semences pour pouvoir la vendre au stade F1 à l’agriculteur utilisateur. Et tout ceci dans le seul et unique but de supprimer la phase de stabilisation de la nouvelle variété et de vendre une semence de variété parfaitement instable. L’agriculteur, de ce fait, ne pourra pas la ressemer et sera obligé de racheter de la semence chaque année. S’il décidait de la ressemer, il perdrait tous les avantages de l’hybride en terme de productivité et surtout d’homogénéité de la culture. Autrement dit, pour pouvoir réutiliser valablement cette semence, il lui faudrait faire ce que le sélectionneur s’est refusé à faire : la stabiliser.

On le voit, la création de variétés hybrides n’est en soi une nouvelle méthode d’amélioration des plantes que pour le semencier et le sélectionneur puisque la seule nouveauté c’est qu’elle prend en compte, avant tout, l’intérêt financier de ces deux professions. La valeur de ces variétés ne dépend plus que du choix des géniteurs A & B puisqu’il n’y a plus de sélection sur la descendance. Elle est plutôt une nouvelle méthode de production de semences qui consiste à produire des semences stables ( identiques au cours des générations successives ) d’une variété instable. Elle est un processus d’industrialisation du croisement qui se fait à chaque génération à l’échelle de grandes parcelles au lieu de ne concerner que quelques individus une fois pour toute.

Les variétés hybrides n’ayant pas été stabilisées, leurs semences devraient être moins chères ! C’est le contraire qui se produit. Les variétés hybrides rapportent énormément d’argent aux semenciers et, par suite, aux sélectionneurs non seulement parce que l’agriculteur est obligé d’acheter de la semence chaque année mais aussi – on l’oublie trop souvent – parce que ce dernier est sous la dépendance du semencier qui peut alors fixer des prix beaucoup plus élevés : il n’est pas exagéré de dire – et on y reviendra dans la seconde partie – qu’avec les hybrides, l’agriculteur est sous la dépendance d’une drogue et que le semencier se comporte en dealer.

Aussi, le rêve de tout semencier qui voit avant tout son point de vue, est de disposer de variétés hybrides pour chaque espèce dont il produit des semences. Et, dès que, pour une espèce donnée, la possibilité de faire des variétés hybrides est au point, les sélectionneurs arrêtent d’améliorer les variétés non hybrides correspondantes ce qui les disqualifie automatiquement quand on les compare aux hybrides.

On ne peut, à nouveau, que constater que la soi disant supériorité des variétés hybrides par rapport aux variétés non hybrides ne repose pas tant sur le caractère hybride des premières mais plutôt sur l’intensité du travail de sélection accompli sur celles-ci plutôt que sur les autres. L’écart est d’autant plus fort que, dans le même temps, les semenciers délaissent la sélection conservatrice de la plupart des variétés traditionnelles ( ce qui conduit à leur élimination du catalogue officiel pour non conformité ou pour absence de mainteneur ).

Parfois les semenciers s’arrangent, en outre, pour orienter le choix des agriculteurs vers les hybrides en n’apportant qu’à ces variétés certaines innovations techniques comme le calibrage, l’enrobage, certains traitements des semences, etc..

Et quand les professionnels de la semence affirment que ‘’les hybrides ça a toujours existé’’ c’est un pur mensonge qui résulte d’une tromperie sur les mots : les hybrides au sens de produit du croisement entre deux individus différents effectivement ça a toujours existé. Mais les hybrides dont on parle ce sont les semences de variétés hybrides F1, fruits d’un croisement industriel entre deux lignées pures, et cela n’a jamais existé avant les années 1920 aux USA, ni avant les années 1950 en France !  !

PHYSIOLOGIE DE L’HYBRIDE. L’EFFET HÉTÉROSIS.

Il nous faut maintenant nous poser la question suivante : est-ce que les plantes hybrides F1 ont des caractéristiques particulières – qui seraient dues au fait qu’elles sont issues de semences de variétés hybrides – que n’ont pas les plantes issues de semences de variété non hybrides ? Les promoteurs des variétés hybrides se sont appuyés sur l’effet hétérosis pour les faire accepter par les agriculteurs. D’après eux, les hybrides F1 seraient toujours supérieurs au meilleur des deux parents pour chacune des caractéristiques : précocité, vigueur, rendement, rusticité, résistance aux maladies et ravageurs, etc.. et ceci avec plus ou moins d’intensité selon les espèces. C’est cette faculté qu’ils appellent l’effet hétérosis qu’ils n’expliquent pas clairement et qui, de toute façon disparaît dans la descendance de la F1, en F2, F3, etc.. Selon Jean Pierre Berlan, l’hétérosis n’existe pas et serait une mystification. Mon point de vue est différent. Nous allons voir ce qui se passe dans le cas d’une plante préférentiellement allogame ( pour les espèces autogame, c’est un peu différent ).

Rappelons d’abord que pour mettre au point une variété hybride, il faut tenir compte principalement de trois conditions :

  • Disposer de deux individus ( ou deux populations ) les plus différents possible, les plus éloignés génétiquement possible, mais complémentaires et ayant une bonne aptitude à se combiner entre eux : si l’un est très productif, l’autre n’aura pas besoin de l’être ; par contre, il devra être moins fragile, plus rustique ou plus précoce, c’est à dire apte à se développer en conditions fraîches.

  • Ces individus devront être auto fécondés pendant plusieurs générations successives. Dans le cas des espèces allogames qui préfèrent, et de loin, la fécondation croisée à l’autofécondation, la descendance est ainsi conduite sur la voie de la consanguinité avec tout le cortège de symptômes de dégénérescence qui l’accompagne. Certaines espèces supportent plus ou moins bien 8 à 10 générations d’autofécondations forcées : le maïs, par exemple, n’est plus alors qu’une plante chétive , maladive, de 1,2 m de haut, qui ne produit plus que quelques grains sur des épis rabougris – et c’est cette semence qui est utilisée par l’agriculteur multiplicateur pour produire la semence F1 ! Chez d’autres espèces plus sensibles à la dépression consanguine, comme la carotte, le sélectionneur ne peut pas dépasser 4 ou 5 générations d’autofécondations : au delà, les plantes sont tellement chétives et maladives qu’elles meurent ou ne produisent plus de semences suffisamment bonnes. Ce terme de dépression est tout à fait judicieux car, de même qu’il existe des dépressions nerveuses, il existe des dépressions biologiques.

  • Le sélectionneur doit disposer d’un moyen efficace de ‘’castrer’’ toutes les plantes de la lignée A, dite femelle - sur laquelle la semence F1 sera récoltée - afin qu’elles soient toutes fécondées par le pollen de la lignée ‘’mâle’’ B. Il doit donc trouver un moyen d’empêcher les plantes A de produire du pollen et de s’auto féconder. Chez les espèces chez lesquelles il n’existe pas encore de variétés hybrides commerciales, c’est souvent cette condition qui n’a pas été résolue ( laitue, orge, pois, etc.).

Pour les autres espèces, il existe plusieurs techniques possibles : castration manuelle de toutes les fleurs de toutes les plantes ( tomate, maïs ), castration chimique par pulvérisation d’une hormone de synthèse ( blé ), stérilité mâle génique et, le plus souvent, stérilité mâle cytoplasmique ( CMS voir encadré et article Alter Agri, sur le site de l’ITAB ? ))

Les autres conditions pour mettre au points une variété hybride ( bon transfert du pollen de B vers A, production de semences en quantité suffisante pour que l’opération soit rentable, intensité de l’effet hétérosis, etc. ) ne seront pas abordées dans cet article.

Que se passe-t-il au niveau des plantes et de l’espèce soumise à ces opérations lorsqu’on arrive en fin de cycle d’autofécondations et que les individus martyrisés et violentés ont tout juste la force de survivre ? Dans l’idéal, si je puis dire, on obtient des plantes homozygotes c’est à dire porteuses de caractères identiques sur l’ensemble des deux paires de chacun de leurs chromosomes. Autrement dit, des plantes dont la variabilité du patrimoine génétique a été ramenée de force au niveau le plus bas qu’elles puissent supporter en tant que plantes à dominante allogame. Or la vie ne s’exprime pleinement que dans la diversité maximum, y compris au niveau génétique : c’est une loi de la nature qui s’applique tout particulièrement aux espèces allogames qui veillent, grâce à la fécondation croisée entre deux individus toujours hétérozygotes ( = le contraire d’homozygote ), à toujours maintenir en elle une diversité génétique maximale.

Au bout de 4, 6 ou 8 cycles d’autofécondations forcées, on a donc deux lignées pures, en fait deux populations de plantes ‘’au bout du rouleau’’. Elles sont mises ensemble, en rangs alternés, dans une parcelle de multiplication. Que se passe-t-il alors ? L’une, A, sur laquelle la semence F1 sera récoltée, est castrée puis fécondée par l’autre, B qui sera détruite après fécondation. Elle passe brusquement d’une extrême pauvreté génétique à une diversité génétique d’autant plus grande que les deux populations sont plus différentes et que les deux lignées sont plus ‘’pures’’. Résultat ? Soulagement maximum, biodiversité maximale, fin de la dépression : la vie reprend ses droits : c’est ce qui explique ce fameux effet hétérosis…qui ne dure qu’un temps. En effet, en deuxième génération, ces plantes étant toutes identiques, même si elles se croisent librement entre elles, il se produit, au niveau du champ, l’équivalent d’une autofécondation, d’où retour des symptômes de dépression consanguine par perte sévère de diversité génétique.

Voyons maintenant comment cela se traduit dans le champ du paysan qui utilise cette semence F1. Pour mieux s’en rendre compte, il faut semer à côté et dans les mêmes conditions des semences de variétés équivalentes non hybrides.

Les semences hybrides germent généralement plus vite et les plantes se développent avec plus de vigueur. Du fait de cette plus grande vigueur, ces jeunes plantes se développent mieux en conditions difficiles (temps frais, couvert, ) et prennent de l’avance sur les plantes non hybrides…à condition qu’elles trouvent à volonté ce dont elles ont besoin pour croître. En effet, leur vitesse de croissance est telle que, bien souvent, l’eau et les matières nutritives présentes en quantité normale dans le sol ne suffisent pas. Ceci conduit l’agriculteur à avoir davantage recours à l’irrigation et aux engrais solubles immédiatement disponibles pour la plante. Ceci explique que les variétés hybrides soient plutôt destinées à l’agriculture conventionnelle qu’à l’agriculture biologique. En agriculture biologique où le sol et les cultures sont nettement moins forcés, elles ne conviennent vraiment qu’aux cultures menées de façon intensive telles que les cultures maraîchères, en particulier celles sous abri.

Toutes ces plantes hybrides se caractérisent en outre par leur grande homogénéité puisque, on l’a vu, elles sont toutes génétiquement identiques comme dans un clone. D’où des parcelles entières où, comme à l’armée - qui a horreur de la diversité - pas une tête ne dépasse. Ceci permet à l’agriculteur d’avoir davantage recours à la mécanisation en particulier au moment de la récolte puisque les plantes ont la même précocité et la même taille. D’où l’intérêt de ces variétés dans le cas de grosses productions standardisées pour la grande distribution et les industries agroalimentaires. D’où aussi leur moindre intérêt dans le cas de cultures pour la vente directe avec récoltes échelonnées et dans le cas du jardinage amateur.

LES HYBRIDES : DE GRANDS SPORTIFS !

Hélas, les plus belles choses ont aussi leur revers y compris dans le cas des êtres vivants ; le grand Goethe l’avait bien compris qui disait, en substance : ‘’ Quand tu regardes une plante ( ou un animal ), et que tu constates qu’elle a développé une capacité particulière, demande-toi au détriment de quoi, demande-toi qu’est-ce qui a régressé’’. Et il prenait comme exemple la vache et les autres ruminants chez lesquels, au cours de l’évolution, le développement des cornes s’est fait au détriment des dents de la mâchoire supérieure.

Chez les hybrides, qu’est-ce qui a bien pu régresser en contre partie de toutes ces caractéristiques bien visibles, quantitativement mesurables : productivité, précocité, vigueur, etc.. ?

Eh bien, ce qui a régressé c’est justement ce qui est invisible, difficilement mesurable, qualitatif. Il y a deux phases qui généralement se succèdent dans la vie d’une plante annuelle ou bisannuelle : une phase de croissance et de développement dans l’espace, une phase bien visible, pesable et mesurable que l’on peut qualifier de quantitative, une phase où le terrestre ( terre et eau ) prédomine. C’est justement cette phase qui est renforcée chez l’hybride. L’hybride est un peu comme le sportif de nos sociétés modernes : suffisamment dopé, il est capable, pendant la première phase de sa vie, de grandes performances bien supérieures à la moyenne.

La seconde phase est plus discrète : c’est celle de la maturation du fruit et des semences mais aussi du légume, ce ‘’fruit’’ que l’homme a ‘’appris’’ à faire à la plante au cours du processus de domestication et qui apparaît avant la phase de reproduction ( pomme de chou ou de laitue, racine de carotte ou de betterave, etc. ). Pendant cette phase qui nécessite du temps, où ce sont davantage la lumière et la chaleur qui interviennent, il ne se produit plus rien de visible dans l’espace ; tout se passe lentement, mystérieusement, au sein de la plante : transferts de substances des racines, des tiges et des feuilles vers les fruits et les graines, transformation de substances simples ( nitrates, monosaccharides, ) en substances complexes ( protéines, polysaccharides, huiles, vitamines, huiles essentielles, etc. ), substances qui donneront la texture, l’arôme, la saveur au grain, au fruit ou au légume récoltés, substances qui leur confèreront valeur alimentaire et qualité gustative. Substances que l’Homme recherche dans sa nourriture car l’Homme, contrairement aux animaux ne se gave pas ( quantitativement ) pour engraisser, mais absorbe et digère avant tout des qualités subtiles qui sont nécessaires pour nourrir non seulement son corps mais aussi son âme et son esprit.

Chez l’hybride, les processus à l’Ĺ“uvre lors de cette seconde phase ont nettement régressé par compensation avec l’exagération des processus de croissance. Là encore, on peut comparer l’hybride au grand sportif : la période des grandes performances ne dure qu’un temps ; il faut ensuite se reconvertir. La phase adulte de maturation se fait souvent plus difficilement que chez les individus dont la jeunesse a été moins exceptionnelle. Souvent les maladies de la vieillesse ( embonpoint, arthrose, etc. ) apparaissent plus tôt, et peuvent être accompagnées de difficultés psychiques ( difficultés à accepter le vieillissement, mal être ).

Une dernière remarque pour comprendre les variétés hybrides F1 : ces variétés non stabilisées se comportent comme si c’était elles-mêmes qui étaient immatures. Le processus de stabilisation d’une nouvelle variété dont nous avons parlé au début, apparaît comme un processus de maturation de la variété elle-même : elle devient alors apte à donner des produits matures. Cela se comprend bien quand on se représente que juste après le croisement, dans la plante hybride F1, les deux composantes parentales ne sont pas encore intégrées en un tout harmonieux : cela peut d’ailleurs parfois se voir sur des images de cristallisation sensible de plantes hybrides. Au cours du processus de sélection-stabilisation de la nouvelle variété, petit à petit, les deux composantes finissent par former un tout harmonieux : pour cela il faut du temps.

CONSÉQUENCES POUR LE CONSOMMATEUR.

On peut dire que les hybrides ont pour caractéristique principale de donner des produits immatures. Si l’on compare les produits récoltés sur des plantes hybrides à ceux récoltés sur des non hybrides, cela se traduit chez l’hybride par :

  • Une plus grande teneur en eau autrement dit une moins grande teneur en matière sèche. Acheter un légume de variété hybride, c’est souvent acheter un peu plus d’eau au prix du légume ! Ces légumes ont, en outre, moins de consistance et risquent de se conserver moins longtemps,

  • Une plus grande teneur en molécules simples : nitrates qui n’ont pas été suffisamment transformés en protéines, sucres simples ( dits sucres rapides ) facilement solubles d’où, souvent, un goût sucré immédiatement perceptible qui trompe le consommateur qui confond parfois le sucré et le savoureux : c’est souvent le cas avec les carottes, melon, maïs doux issus de variétés hybrides,

  • Une plus faible teneur en molécules complexes : protéines, polysaccharides ( dits sucres lents ) qui ne donnent un goût sucré qu’après avoir mâché suffisamment longtemps, vitamines, huiles, huiles essentielles d’où moins d’arôme et moins de saveur. Substances qui interviennent aussi dans la conservation des produits.

Bien entendu, en agriculture biologique, si l’hybride est moins ‘’poussé’’ ( moins de matières organiques facilement disponibles, moins d’eau ), les caractéristiques de l’hybride ne s’exprimeront pas aussi pleinement et la différence entre hybride et non hybride sera moins accentuée. Par contre, chez les espèces où il n’existe pas de variétés hybrides ( laitue par exemple ), le fait de ‘’pousser’’ les plantes ( culture intensive sous abri ) conduit à des résultats semblables : accentuation du quantitatif au détriment du qualitatif et cela tout particulièrement chez les variétés modernes sélectionnées pour être cultivées en conditions intensives.

Les faits exposés ici reposent sur un petit nombre d’expériences comparatives entre variétés hybrides et variétés non hybrides. Les sélectionneurs se sont, en effet bien gardés de faire ce type d’expériences et d’en publier les résultats. Il serait intéressant de faire d’autres essais pour vérifier ces considérations. Rien ne vous empêche de faire de tels essais ( voir encadré ).

Prenez le temps de comparer les variétés de légumes que vous consommez
Cet exercice peut se faire en famille, comme un jeu, lors d’un repas où l’on a un peu de temps. Se procurer des légumes de deux variétés différentes : une variété traditionnelle et une variété hybride et les déguster en prenant bien le temps de ressentir les couleurs, les odeurs, les arômes et les goûts, la texture, l’arrière goût. La plupart des légumes peuvent se déguster crus. Il est bon de les déguster aussi cuits ; pour cela, les deux variétés doivent être cuites exactement de la même manière et pendant la même durée. Le plus simple est de les cuire pas trop longtemps côte à côte à la vapeur avec un tout petit peu de sel pour relever le goût. Quelques bons exemples pour se faire le palais : la carotte, le chou rouge ( cru ), le maïs doux, la tomate. Quand chacun a bien pris le temps de savourer les deux variétés, les échanges entre les convives permettent de nuancer les impressions particulières et d’arriver à une certaine objectivité dans le choix de la meilleure variété ou dans le rejet de la plus mauvaise. Choix qu’il ne vous faudra pas manquer, bien entendu, de faire connaître à votre fournisseur…et à la revue Nature & Progrès !

ET POUR LES JARDINIERS ET MARAÎCHERS ?

Nous avons voulu présenter objectivement la réalité des variétés hybrides et montrer que certaines idées reçues les concernant sont fausses. Nous avons voulu donner à chacun les outils pour se faire sa propre opinion et choisir en connaissance de cause. Ce n’est pas à nous de dire

Prenez le temps de comparer les variétés de légumes que vous cultivez.
Les jardiniers et maraîchers devraient prendre l’habitude de tester toute nouvelle variété avant de l’intégrer dans leurs cultures. Il ne suffit pas de comparer en début de culture le taux de germination et la vigueur germinative. Il faut prendre le temps de semer et cultiver ensemble et côte à côte deux variétés, en particulier une variété traditionnelle réputée et une variété hybride. Comparer attentivement les plantes tout au long de la culture, résistance au froid, à la sécheresse, aux maladies et ravageurs, durée de conservation des légumes, rendement, coûts de production, etc.. Ensuite comparer la valeur alimentaire et gustative comme indiqué dans le précédent encadré. Eventuellement, faites goûter les deux variétés à vos clients : ceux ci préfèreront peut être payer un peu plus cher une variété qu’ils trouveront meilleure et qui sera sans doute aussi meilleure pour la santé de leur famille.