Sénat : REPONSE Question écrite n° 11660 de M. Jean-Claude Lenoir (Orne - UMP) - Accord partenariat transatlantique

Niveau juridique : France

question publiée dans le JO Sénat du 15/05/2014

réponse publiée dans le JO Sénat du 18/09/2014

M. Jean-Claude Lenoir attire l’attention de M. le ministre des affaires étrangères et du développement international sur les vives inquiétudes suscitées par les négociations qui se poursuivent depuis l’été 2013 en vue d’un accord de partenariat transatlantique (APT) entre l’Union européenne et les États-Unis. Les détracteurs de cette démarche font valoir que la conclusion d’un tel accord de libre échange priverait les États membres de tout moyen d’action pour réguler l’économie et qu’elle les exposerait au risque d’amendes exorbitantes. C’est pourquoi il s’interroge sur l’état d’avancement des négociations en cours et surtout sur les limites du mandat donné aux négociateurs qui nous y représentent. Il souhaiterait savoir si elles apportent des garanties suffisantes pour prémunir les États membres de l’Union européenne et en particulier la France contre tout risque de démantèlement des politiques publiques qui répondent à l’attente de nos concitoyens.

 

REPONSE du Ministère des affaires étrangères et du développement international

La négociation d’un accord avec les États-Unis peut être positive à condition qu’elle présente un intérêt économique avéré pour l’Europe. Or, les études d’impact commandées par la Commission européenne montrent que les gains potentiels sont significatifs pour la France et l’Union européenne : les bénéfices en termes de croissance et d’emploi sont estimés à environ 0,5 point de PIB sur dix ans, soit un bénéfice de 119 milliards d’euros par an - l’équivalent d’une augmentation du revenu disponible de chaque ménage de l’Union de 545 euros en moyenne. Le partenariat commercial transatlantique pourrait permettre à nos entreprises de bénéficier du dynamisme de l’économie américaine et de sa demande intérieure. Ensuite, cet accord réduirait des barrières tarifaires et non-tarifaires, ouvrant des marchés restés jusqu’à présent difficiles d’accès pour nos entreprises. Les barrières tarifaires érigées par les États-Unis pour les produits laitiers, par exemple, sont élevées, à 22 % en moyenne (dont 40 % pour les yaourts ou 33 % pour le fromage frais non-affiné). Or, l’offre européenne est compétitive sur ce secteur. S’agissant des barrières non-tarifaires, l’Union européenne négocie pour obtenir la réciprocité dans l’accès aux marchés publics américains : c’est un enjeu offensif majeur. Enfin, cet accord lierait les deux premières puissances économiques mondiales et leur donnerait encore davantage de poids dans la mondialisation. En harmonisant les normes techniques des deux côtés de l’Atlantique, non seulement nos entreprises exporteraient-elles plus facilement vers les États-Unis, mais nous pourrions être en mesure de diffuser plus facilement nos normes vers le reste du monde, pour qu’elles deviennent des références mondiales. Il existe toutefois des risques possibles que nous mesurons. En particulier, une convergence trop faible ou trop étroite (excluant certains secteurs, comme le secteur financier notamment) serait problématique. L’Union européenne doit être en mesure, à l’issue de cette négociation, de préserver son autonomie normative, en particulier lorsqu’elle touche à la protection du consommateur (normes sanitaires et phytosanitaires). La convergence des normes ne doit pas être synonyme de convergence vers le bas. Il existe aussi un risque fort que certains intérêts offensifs majeurs pour l’Europe, comme la réciprocité de l’accès aux marchés publics, ne soit pas obtenus. Quant à l’inclusion dans l’accord d’un mécanisme de règlement des différends investisseur-État dans le partenariat commercial transatlantique, elle n’est pas décidée. Elle dépendra de l’issue de la consultation publique européenne en cours et des débats qui s’ensuivront, avec les États membres et le Parlement européen. C’est la raison pour laquelle l’Union européenne, sous l’impulsion notamment de la France, a posé ses conditions à la conduite des négociations. D’abord, à l’initiative de la France, le mandat de négociation accordé le 14 juin dernier par les États membres à la Commission européenne exclut formellement les services audiovisuels, afin de préserver notre exception culturelle. Ensuite, les États-Unis doivent donner des garanties quant à la réciprocité de l’accès aux marchés publics, dont la compétence appartient aux États fédérés. L’absence de parallélisme dans ce domaine serait inacceptable, compte-tenu de l’ouverture substantiellement plus importante des marchés publics européens que des marchés américains. S’agissant des « préférences collectives » (nos normes sanitaires et phytosanitaires, protection du consommateur) l’Union européenne a rappelé de manière ferme, en février dernier, qu’il était exclu que cet accord autorise l’importation de bœuf aux hormones ou de poulet chloré en Europe. Le Gouvernement la soutient entièrement dans cette démarche. Le Commissaire européen chargé des questions commerciales a également rappelé que seule la législation européenne prévaudrait en matière d’OGM. Nos indications géographiques devront également être protégées. Enfin, la France a régulièrement signifié à l’Union européenne qu’un effort devait être fait en matière de transparence, préoccupation formulée de façon récurrente par nos parlementaires et citoyens. Dans cet esprit, le Gouvernement s’est engagé à rendre compte de l’avancée des négociations à la représentation nationale et aux parties prenantes, suite aux sessions de négociations qui ont lieu chaque trimestre. En tout état de cause, à l’issue de la négociation, l’accord devrait être ratifié par les 28 parlements nationaux et par le Parlement européen, s’agissant d’un accord mixte. L’accord devra donc répondre aux préoccupations des États membres et de leurs citoyens pour recueillir leur assentiment.

 

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