Assemblée Nationale Question N° : 26493 de Mme Sandrine Doucet ( Socialiste, républicain et citoyen - Gironde )

Niveau juridique : France

Question publiée au JO le : 21/05/2013 page : 5206

Réponse publiée au JO le : 08/10/2013 page : 10549

Date de changement d’attribution : 28/05/2013

Texte de la question

Mme Sandrine Doucet attire l’attention de Mme la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie sur la question du contrôle des semences.

Alors que de nombreux agriculteurs et associations cherchent à promouvoir la biodiversité en cultivant et distribuant des semences anciennes et peu utilisées, la condamnation de l’association Kokopelli est un coup d’arrêt pour les défenseurs de la biodiversité. En effet, cette association commercialise des espèces de végétaux anciennes et rustiques, parfois non-inscrites au Catalogue officiel des variétés.

La Cour européenne, qui avait, dans un premier temps, choisi d’aller dans le sens de Kokopelli, a décidé de condamner l’association au profit de la société Graines Baumaux, au nom de la « productivité », des principes de libre exercice de l’activité économique et de non-discrimination.

Cette tendance au contrôle, toujours plus fort, des grandes entreprises sur les semences, n’est pas sans rappeler la volonté de sociétés comme Monsanto, qui cherchent à maîtriser de bout en bout la chaîne de production alimentaire, mettant en péril la biodiversité et l’indépendance des agriculteurs. En juillet 2012, le Gouvernement a choisi de s’opposer à cette logique, en interdisant l’un des pesticides les plus dangereux, notamment pour les abeilles, le Cruiser. Cette décision courageuse a été saluée par les protecteurs de l’environnement.

Aussi, il serait souhaitable que la question du contrôle et de l’enregistrement des semences soit mise en débat, afin que l’industrie agro-alimentaire ne représente pas un danger pour les nombreuses et anciennes variétés de végétaux existants. Elle souhaite savoir comment elle entend s’emparer de cette question. Elle la remercie de bien vouloir la tenir informée des suites données à ce dossier.

Texte de la réponse

Le secteur de l’innovation variétale et de la production des semences et des plants constitue le premier maillon de la chaîne alimentaire et des productions agricoles. La réglementation relative à la commercialisation des variétés, des semences et des plants est définie au niveau de l’Union européenne par un corpus de 12 directives du Conseil. Ce dispositif réglementaire a pour objectif de protéger les utilisateurs des semences et des plants en garantissant que les matériels végétaux commercialisés sur le territoire de l’Union européenne sont sains, loyaux et marchands.

La mise en oeuvre de ce dispositif réglementaire requiert, pour pouvoir disposer d’un minimum de garanties, différents niveaux de contrôles officiels. Ces contrôles officiels sont réalisés par les pouvoirs publics ou par des autorités compétentes désignées par ces derniers.

Ces contrôles permettent ainsi de garantir la mise à disposition sur le marché de matériels de multiplication adaptés aux attentes de tous les agriculteurs et de toutes les agricultures de notre territoire. Ces contrôles sont mis en oeuvre dans le seul objectif de donner des garanties au bénéfice des agriculteurs et des utilisateurs des semences et des plants tout autant que des consommateurs des produits de récoltes issus de ces matériels.

Il convient de préciser que la mise en oeuvre de la politique nationale d’orientation du progrès génétique des plantes cultivées et de la production des semences et des plants repose notamment sur la consultation du Comité technique permanent de la sélection des plantes cultivées (CTPS) et du groupe semences et agriculture durable. Au sein de ces instances, l’ensemble des parties prenantes participe à la construction de la réglementation et à la transparence du dispositif.

Enfin, il est important de souligner que l’arrêt du 12 juillet 2012 de la Cour de justice de l’Union européenne relatif à l’affaire C59-11 (association Kokopelli) réaffirme la légitimité et la proportionnalité de la réglementation européenne actuelle relative à la commercialisation des semences et des plants. La Cour rappelle par ailleurs que la réglementation actuelle prend en compte les intérêts économiques des opérateurs qui offrent à la vente des « variétés anciennes » ne satisfaisant pas aux conditions d’inscription aux catalogues officiels, en ce qu’elle n’exclut pas la commercialisation de ces variétés.

Comme l’a souligné la Cour, la réglementation européenne, et son application sur notre territoire, tient déjà compte de la nécessité de prévoir certaines adaptations pour différentes typologies de variétés. Ainsi, des critères spécifiques d’inscription, accompagnés de dispositifs d’aide ou de gratuité d’inscription, ont été mis en place en France pour permettre l’accès au Catalogue officiel de variétés anciennes ou destinées aux jardiniers amateurs. Près de trois cents variétés ont été inscrites au catalogue officiel français dans ces conditions.

Aussi la Cour européenne de Justice confirme-t-elle la légitimité d’une réglementation mise en place historiquement pour limiter les pratiques abusives, voire dangereuses d’un point de vue phytosanitaire. Dans le cadre de la révision réglementaire en cours sur les semences et les plants, le ministère chargé de l’agriculture continuera à défendre l’accès au catalogue officiel du maximum de variétés végétales dans des conditions aménagées en tant que de besoin, dans le respect des principes fondamentaux de loyauté des échanges et de non distorsion de concurrence.

questions.assemblee-nationale.fr/q14/14-26493QE.htm