Question N° : 19228 de M. François Loncle ( Socialiste, républicain et citoyen - Eure ): commercialisation des semences

Niveau juridique : France

Question publiée au JO le : 26/02/2013 page : 2028

Date de changement d’attribution : 05/03/2013

Texte de la question

M. François Loncle appelle l’attention de M. le ministre délégué auprès du ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, chargé de l’agroalimentaire, sur le problème de l’accès aux graines. Les semences ne peuvent être vendues qu’à la condition d’être inscrites sur le « catalogue français des espèces et des variétés » qui remplit un double objectif : d’une part, garantir une « productivité accrue de l’agriculture », d’autre part, empêcher la « mise en terre de semences potentiellement nuisibles ». Ce registre comporte 4 500 variétés agricoles, 2 200 variétés potagères et 600 nouvelles variétés y sont consignées chaque année. Or ces chiffres sont trompeurs. Car seulement 150 à 200 espèces végétales comestibles sont cultivées, alors qu’il en existe au moins 250 000. En outre, les trois quarts de la diversité génétique présente dans l’agriculture ont disparu au cours du XXe siècle. On assiste à une forte réduction de l’offre alimentaire, au point que la FAO déplore que seules 12 espèces assurent désormais 70 % de l’alimentation de la planète. En France, la moitié des ventes de pommes ne concerne que 5 variétés. Cette concentration a un quadruple effet néfaste : elle diminue sensiblement la diversité génétique dans les champs ; elle standardise l’alimentation ; elle favorise l’hybridation ; elle avantage les multinationales de l’agroalimentaire. Les légumes et les fruits tendent à s’uniformiser puisqu’ils sont calibrés en taille, en couleur et en goût. Ayant pourtant besoin de davantage d’eau et d’engrais solubles, les hybrides se répandent, tout au moins pour les végétaux à fécondation croisée. Ainsi, les maïs hybrides, qui représentent 90 % des variétés de maïs mentionnés au catalogue, s’avèrent certes plus vigoureux et plus productifs que le maïs classique, mais seulement la première année ; ensuite, l’agriculteur est dans l’obligation de racheter les graines devenues dégénérescentes, pour le plus grand profit du semencier. Parce qu’elle se conserve trois semaines après la récolte, la tomate hybride daniela monopolise les étals des grandes surfaces, alors qu’elle manque cruellement d’arôme. Enfin, la grande industrie agroalimentaire accapare le marché mondial des semences dont les deux tiers sont contrôlés par seulement 10 entreprises. Celles-ci protègent leurs inventions variétales par le dépôt d’un certificat d’obtention végétale (COV) qui est l’équivalent d’un droit de propriété intellectuelle. Concernant 90 % des légumes commercialisés, le COV garantit au sélectionneur l’exclusivité, pour une durée de 25 ans, de la production et du commerce de cette variété sur la vente de laquelle il perçoit des royalties. Sur un quintal de blé tendre, le semencier encaisse près de 9 euros. Captant le quart du marché mondial des graines, la multinationale américaine Monsanto détient plus du tiers des variétés de tomates protégées et près de la moitié de celles de choux-fleurs. De plus, il est interdit au paysan de replanter une partie de sa récolte, sous peine de subir de lourdes amendes. Cette réglementation, déjà limitative, ne cesse de se renforcer, car les semenciers américains recourent largement au brevet qui est encore plus restrictif, dans la mesure où il suffit qu’un seul gène soit breveté pour que toute la graine soit protégée, ce que n’autorise pas un COV. Cette pratique se répand en Europe où déjà 1 800 brevets s’appliquent à des végétaux. La firme suisse Syngenta a notamment créé un melon à la saveur « amère-rafraîchissante-aigre-douce », ce qui signifie qu’elle détient les droits sur tous les melons ayant les mêmes caractéristiques. Il lui demande de lui indiquer les mesures qu’il envisage de prendre pour permettre une plus grande ouverture d’accès aux semences. Il voudrait savoir comment il apprécie le phénomène de privatisation croissante du vivant qui est pourtant le patrimoine commun de l’humanité et comment il se propose d’y remédier.

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