AN : Amendement n° 2012 sur le projet de loi « Équilibre dans le secteur agricole et alimentaire » n° 902, 1ère lecture - REJETE

Niveau juridique : France

AMENDEMENT N°2012, présenté par Mme Panot, Mme Autain, M. Bernalicis, M. Coquerel, M. Corbière, Mme Fiat, M. Lachaud, M. Larive, M. Mélenchon, Mme Obono, M. Prud’homme, M. Quatennens, M. Ratenon, Mme Ressiguier, Mme Rubin, M. Ruffin et Mme Taurine

Texte de l’amendement :

« ARTICLE ADDITIONNEL

APRÈS L’ARTICLE 15 BIS, insérer l’article suivant:

Après le deuxième alinéa de l’article L. 666‑6 du code rural et de la pêche maritime, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Les agriculteurs réalisant sur leur exploitation la mouture d’un volume, inférieur au seuil défini par le décret prévu à l’alinéa précédent, de céréales issues de leur ferme, réalisent une activité agricole au sens de l’article L. 311‑1 du code rural et de la pêche maritime . À ce titre, ils ne peuvent être considérés comme exploitants de moulin. » »

EXPOSÉ SOMMAIRE

Les agriculteurs détenteurs d’un moulin et qui transforment en farine les céréales de leur exploitation sont actuellement soumis à la même réglementation que les meuniers, ce qui amène des obligations spécifiques (règles sanitaires, statut fiscal, paiement de la taxe farine etc.). Ces agriculteurs ne sont pas meuniers mais bien agriculteurs : leur activité de mouture est une activité agricole à part entière au sens de l’article L311‑1 du code rural. En conséquence ils ne doivent pas être soumis aux normes et contrôles de la filière meunerie. Ils sont actuellement soumis à des normes en décalage complet avec la réalité de leur activité, normes élaborées pour les volumes considérables, la multiplicité des opérateurs et la diversité d’origine des matières premières des filières industrielles. Pour encourager la diversification sur les fermes, il est urgent de réaffirmer que le statut de paysan inclut la transformation de sa production.

Cet amendement vise donc à clarifier le statut des agriculteurs qui transforment leur récolte en farine, en marquant une distinction claire avec le statut de meunier.

Cet amendement est proposé par la Confédération paysanne ainsi que la FNAB et l’association Réseau semences paysannes.

Lien vers la page de l’amendement ici

L’amendement, discuté en séance publique le mardi 29 mai 2018 n’a pas été adopté.

Extraits des débats :

Mme la présidente. La parole est à M. Loïc Prud’homme, pour soutenir l’amendement no 2012.

M. Loïc Prud’homme. À l’instar de l’amendement qu’avait déposé mon camarade Chassaigne, il s’agit d’un amendement de bon sens qui me tient particulièrement à cœur et qui, je l’espère, recueillera votre attention. Il vise à permettre une augmentation du revenu des agriculteurs, tout en étant de nature à séduire la droite, qui réclame des mesures réglementaires moins contraignantes.

En effet, les agriculteurs – souvent de modestes paysans – détenteurs d’un moulin sont aujourd’hui soumis à une réglementation construite au début du siècle dernier par et pour la corporation des meuniers. Par conséquent, ils sont soumis à des obligations souvent obsolètes qui, soit les empêchent de mener leur activité correctement, soit les exposent fortement à des sanctions des douanes, voire à des poursuites judiciaires. Ils doivent ainsi faire face à des plafonds absurdes, ridiculement bas, qui ne leur permettent de transformer qu’une infime partie de leur récolte en céréales. Ces normes sont en complet décalage avec la réalité de leur activité et profitent à une seule corporation et à quelques grands groupes, qui préservent jalousement un monopole sur la fabrication de farine.

Il y a quelques semaines, j’étais dans le Loiret, où je visitais une formidable exploitation de paysans boulangers. Ils font tout : ils sèment, ils récoltent, ils transforment leurs céréales en farine, qu’ils transforment en pain, avant de le vendre. C’est une activité à taille humaine, qui ne pose aucun problème de traçabilité et qui assure un niveau de vie décent au couple qui l’exploite sur à peine quelques dizaines d’hectares de céréales. C’est aussi un modèle qui tend à prouver que, sans avoir des surfaces extraordinairement étendues, on peut vivre décemment de son activité.

C’est le modèle vers lequel il faut tendre, selon nous, pour relocaliser des productions et éviter de multiples transports, qui dégradent les produits et l’environnement. Cela suppose de faire tomber un certain nombre des barrières réglementaires que j’évoquais au début de mon propos. Cet amendement vise à en abolir une, aussi importante qu’absurde. Je vous demande de prendre en compte la problématique des paysans boulangers, et de leur permettre de tirer un revenu décent d’une activité somme toute très noble. (Applaudissements sur les bancs du groupe FI.)

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Stéphane Travert, ministre. Même avis.

Mme la présidente. La parole est à M. François Ruffin.

(…)

M. François Ruffin. J’ai déjà entendu cela quelque part.

Un amendement vient d’être défendu avec précision et conviction par Loïc Prud’homme sur un sujet que, pour ma part, je méconnaissais jusqu’à maintenant. Le minimum, me semble-t-il, est de motiver l’avis, de nous dire pourquoi vous refusez cette mesure en faveur des paysans boulangers.

(L’amendement no 2012 n’est pas adopté.) »

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