L’utilisation des nouvelles techniques de sélection, Audition publique conjointe AGRI/ENVI au Parlement européen, 17 mai 2018

Niveau juridique : France

Le 17 mai 2018 s’est tenue une audition conjointe des commission agriculture et environnement du Parlement européen, sur l’utilisation des nouvelles techniques de sélection ("new breeding techniques" - NBT).

Intervenants :

  • Niels Louwaars, directeur de Plantum, l’association des semenciers des Pays-Bas

  • Julien Mante, ingénieur à « France Limousin Sélection »

  • Yves Bertheau, chercheur INRA au Muséum national d’histoire naturelle

  • Arend Streng, spécialiste brevets chez Rijk Zwaan (Pays-Bas)

  • Detlef Bartsch, directeur du département « Edition génétique » au bureau fédéral de la protection du consommateur et de la sécurité alimentaire (Allemagne)

  • Sophia Lakhdar, Présidente de Bio Consom’acteurs

Nous vous présentons ici un rapide résumé de chacune des présentations faites, ainsi que des discussions qui s’en sont suivies.

Le débat sur les nouvelles techniques de sélection est différent de celui sur les techniques de transgénèses, car la mutagénèse dirigée ne crée pas de plantes qui ne pourraient pas se développer dans la nature avec l’usage de sélection conventionnelle. Il y a toujours des effets innatendus dans la sélection. La mutagénèse dirigée présente moins d’effets hors cible que la mutagénèse aléatoire.

Ces techniques permettent de répondre aux enjeux de société : nourriture abordable, diverse et de qualité, enjeux climatiques… En raccourcissant la durée nécessaire pour obtenir une variété, elles répondent à l’urgence de disposer rapidement de cultures résilientes pour faire face au changement climatique.

Les techniques d’édition du génome permettent de combiner le maintien du gain et de la diversité génétique et de sélectionner des allèles intéressants rares, de mieux choisir les traits négativement corrélés. L’édition du génome est un complément aux programmes de sélection conventionnels et ne s’y substituera pas car les outils traditionnels sont essentiels pour augmenter la fréquence des allèles des gènes à faibles effets.

Les limites sociales et politiques actuelles des techniques d’édition du génome : si les animaux issus de l’usage de ces techniques sont considérés comme des OGM dans l’UE, le secteur pourrait faire face à des pertes économiques et un manque de compétitivité au niveau international. Ces techniques sont présentées comme des alternatives au clonage (interdit dans l’UE pour les animaux).

L’intervenant souligne aussi que les nouvelles techniques de sélection sont une opportunité pour faire face au changement climatique en introduisant rapidement des gènes adaptés et mettant en œuvre rapidement les résultats de la recherche génétique dans les champs.

Le problème avec les NTB est qu’il est impossible d’identifier les effets indésirables, les conséquences de l’utilisation de ces techniques, et en particulier l’impact sur l’environnement sn imprévisibles.

La présentation souligne les limites des outils permettant de détecter les effets indésirables (manque d’informations sur les interactions génome/épigénome et épitranscriptome, entre génotype et phénotype, coût du séquençage, biais systémiques… ) → complexité inattendue du génome et de l’épigénome.

Il est possible d’identifier les produits issus de NBT et de les distinguer des produits issus de mutations spontanées en combinant des marqueurs génomiques et épigénomiques. Cela fait partie du travail de tout scientifique qui travaille sur la diversité génétique, et donc des sélectionneurs, et il est imporant de développer une approche métrique pour les identifier.

L’intervenant pointe les biais dans la communication faite autour de ces techniques : faire référence à « la science » (qui a une bonne image » et non aux scientifiques ; parler de « technique de sélection » et non de « modifications génétiques » ; utilisation d’un langage simplifié et de métaphores (« faire du copier-coller », « ciseaux moléculaires »), en passant sous silence les « détails », ce qui permet de construire un discours politiquement correct ; utilisation des champs lexicaux de la nature, de la tradition, etc. pour faire accepter ces techniques dans l’opinion publique.

=> De même que pour les OGM transgéniques, les effets des mutations et les épimutations suite aux nouvelles techniques de sélection sont imprévisibles. Il n’existe pas d’obstacles techniques pour permettre de distinguer les organismes modifiés in vitro de ceux modifiés in vivo suite à des mutations apparaissant spontanément dans un environnement normal, pour identifier les NBT utilisées pour produire un produit, pour détecter et tracer le produit dérivé grâce à l’utilisation combinée de marqueurs génomiques et épigénomiques.

Les produits issus de NBT doivent dont être inclus dans la législation relative aux OGM, les lignes directrices d’évaluation du risque des OGM doivent être améliorés, les considérations socio-économiques et politiques ne doivent pas être occultées derrière une expertise pseudo-scientifique.

La question centrale est de savoir si la façon dont le matériel génétique a été modifié peut aussi arriver naturellement.

Les changements fait dans le matériel génétique de la plante avec les NBT ne peuvent être facilement distinguées des mutations naturelles et des mutations induites par sélection.

Dans sa présentation, l’intervenant a aussi exposé le besoin pour les utilisateurs de ces NBT de connaître leur statut (OGM ou non) : ils ont besoin de clarté et d’un statut défini pour ces techniques, que l’UE doit définir.

Pour l’intervenant, il y a une distinction entre « genetic engineering » (manipulation génétique / génie génétique) et « genome editing » (édition du génome).

L’existence de la réglementation OGM est une mise en œuvre du principe de précaution. Le refus de nouvelles techniques peut aussi constituer un risque, et si la législation relative aux manipulations génétiques ne s’applique pas, il y a d’autres dispositions qui s’appliquent. Il n’y a pas d’innovation sans risques.

La peur actuelle des risques causées par les nouvelles méthodes de sélection va-t-elle nous rendre incapable de mettre en place les actions nécessaires pour une vie meilleure ?

Parle de nouveaux OGM : ces derniers doivent être considérés comme des OGM et le cadre législatif posé par la directive 2001/18 et le règlement 18209/2003 doit s’appliquer à toutes ces nouvelles techniques, actuelles et à venir, dans la mesure où ces manipulations ne peuvent se faire qu’en laboratoire et non en milieu naturel : évaluation et autorisation préalable à la mise sur le marché, étiquetage et traçabilité. Les consommateurs ont le droit d’être informés et de choisir ce qu’il veulent manger.

Lors des discussions avec les eurodéputés, il a été souligné le besoin de traçabilité de ces techniques et l’information du consommateur, afin qu’il puisse faire un choix éclairé. La question du coût de ces méthodes et du risque de perte d’indépendance des paysans. Le lien avec le développement des brevet a aussi été fait.

La nécessité d’une définition claire du statut de ces techniques a été posé, ainsi que le besoin de les tracer, même s’il est décidé que ces techniques ne relèvent pas de la réglementation OGM.