Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à la production biologique et à l’étiquetage des produits biologiques, modifiant le règlement (UE) n° XXX/XXX du Parlement européen et du Conseil [règlement sur les contrôles officiels] et abrogeant le règlement (CE) n° 834/2007 du Conseil - Résultat de la première lecture du Parlement européen (Strasbourg, du 16 au 19 avril 2018)

Niveau juridique : Union européenne

Lors de sa séance du jeudi 19 avril le Parlement européen a adopté en plénière le projet de nouveau règlement européen sur l’agriculture biologique. Avant de pouvoir entrer en vigueur, le texte doit encore recevoir l’approbation formelle du Conseil des ministres. Il s’appliquera à compter du 1er janvier 2021. Voici un petit aperçu des nouveautés qu’il contient en matière de semences.

A) Le matériel hétérogène biologique

L’une des grandes nouveauté de ce règlement est l’introduction de la possibilité de commercialiser du matériel de reproduction de « matériel hétérogène biologique », défini à l’article 3, 18) comme «  un ensemble végétal d’un seul taxon botanique du rang le plus bas connu qui :

a)  présente des caractéristiques phénotypiques communes;

b)  est caractérisé par une grande diversité génétique et phénotypique entre les différentes unités reproductives, si bien que cet ensemble végétal est représenté par le matériel dans son ensemble, et non par un petit nombre d’unités;

c)  n’est pas une variété au sens de l’article 5, paragraphe 2, du règlement (CE) n° 2100/94 du Conseil ;

d)  n’est pas un mélange de variétés; et

e)  a été produit conformément au présent règlement; »

En d’autres termes, le matériel hétérogène n’est pas une variété au sens du droit de l’Union, répondant aux critères de distinction, d’homogénéité et de stabilité (DHS). Ce matériel hétérogène constitue une exemption à la réglementation semences et sa commercialisation est soumise à des règles particulières, détaillées à l’article 13 du règlement. Cette dernière n’est pas soumise à l’obligation d’inscription au Catalogue officiel des variétés ni à aucun test avant sa mise sur la marché. La seule exigence est que le matériel hétérogène ai été produit dans les conditions de l’agriculture biologique.

La commercialisation d’un tel matériel est subordonnée à une simple notification préalable, constituée par l’envoi à l’administration nationale compétente d’un dossier décrivant les caractéristiques agronomiques et phénotypiques du matériel ainsi que les méthodes de sélection, les parents utilisés et le pays de production. En cas de non-réaction de l’administration dans les trois mois, le matériel sera commercialisable dans l’ensemble de l’Union européenne.

La Commission européenne doit adopter des actes délégués précisant les règles relatives à la production et la commercialisation, en particulier concernant la description du matériel (méthodes de sélection et de production, matériel parental utilisé) ainsi que les exigences de qualité (pureté spécifique, facultés germinatives,…). Pour ces dernières, à l’instar des semences standards, les contrôles s’effectueront a posteriori. En effet, si la réglementation semences ne s’applique pas, le reste des réglementations, et en particulier celles relatives à la santé des plantes, restent applicables. Ces actes délégués ne pourront être formellement adoptés qu’à partir de 2021 (art. 54).

Les administrations nationales ont la possibilité de mettre en place un inventaire public de ces matériels, mais cette inscription doit rester gratuite.

B) Les variétés biologiques adaptées à l’agriculture biologique

L’autre nouveauté de cette nouvelle réglementation est l’apparition du concept de « variété biologique adaptée à la production biologique ». Selon la définition donnée à l’article 2, 19) du règlement, il s’agit là de variétés au sens du droit de l’Union, c’est-à-dire de variétés DHS, mais caractérisées par « une grande diversité génétique et phénotypique » et issues d’activités de sélection biologique. Ces dernières « se concentrent sur l’amélioration de la diversité génétique tout en s’appuyant sur l’aptitude naturelle à la reproduction, ainsi que sur la performance agronomique, la résistance aux maladies et l’adaptation aux diverses conditions pédoclimatiques locales. » (annexe II, partie I, point 1.8.4).

En tant que variétés DHS, la commercialisation de leur matériel de reproduction est soumise aux exigences de la réglementation générale sur les semences (test DHS et obligation d’inscription au Catalogue officiel en particulier).

Une expérimentation de sept ans devrait être menée sur ces variétés qui ont pour objectif de répondre aux besoins particuliers de l’agriculture biologique, en particulier en terme de diversité génétique, de résistance ou tolérance aux maladies et d’adaptation au terroir. A l’issue de celle-ci, la Commission pourrait proposer un allègement des critères DHS pour leur inscription au Catalogue officiel.

Plus généralement, le règlement précise que dans leur choix de semences, les paysan-ne-s « privilégient du matériel biologique de reproduction des végétaux adapté à l’agriculture biologique ». (annexe II, partie 1, 1.8.3) et prévoit la fin des dérogations pour l’utilisation de semences non-biologiques au 31 décembre 2035 (art. 53).

Pour aller plus loin :

La position du Parlement adoptée le 19 janvier 2018

Le Réseau Semences Paysannes travaille à une note de positionnement soulevant les problématiques posées par ce nouveau règlement, et en particulier la commercialisation de matériel hétérogène. Quelques éléments du texte font douter qu’elle représente réellement une ouverture pour la diffusion des semences paysannes. En particulier, l’obligation de caractérisation phénotypique ainsi que celle des parents utilisés semble difficile à fournir dans le cadre de variétés populations, fortement hétérogènes et évolutives. En ne réglementant pas les procédés de sélection ni les aspects de propriété intellectuelle, cette ouverture risque d’être la porte ouverte aux nouveaux OGM et aux brevets sur le vivant.