Question N° : 15245 de M. Dominique Dord ( Rassemblement - Union pour un Mouvement Populaire - Savoie ) : biologie de garage

Niveau juridique : France

Question publiée au JO le : 08/01/2013

Texte de la question

M. Dominique Dord interroge Mme la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche sur la « biologie de garage ». En effet, aux États-unis s’est développé un concept inspiré du modèle « open source » de l’informatique. Il s’agit de la biologie de garage. Sous l’impulsion d’universitaires opposés au « biopouvoir » et au « biocapital », ces chercheurs militent pour une biologie dite ouverte. Ils défendent l’idée d’une science ouverte à tous et non soumise aux contraintes de la propriété intellectuelle. Ces manipulations intéressent beaucoup d’étudiants passionnés de sciences, dont certains ont une culture de « biohackers » pouvant déboucher sur des actes malveillants ou illicites. Il lui demande si ce concept particulier existe en France et, si tel est le cas, si un dispositif afin d’éviter ce genre de dérives est prévu avec tous les risques sanitaires que cela comporte.

 

Texte de la réponse

L’avancée de la recherche et des techniques en matière de biologie permet désormais de réaliser des expérimentations en biologie moléculaire et synthétique en dehors du cadre de la recherche institutionnelle, dans des laboratoires rudimentaires qui peuvent être des cuisines, des caves ou des garages. Venu des Etats-Unis, le concept de « do-it yourself biology » (DIYBio), désigne la communauté d’amateurs qui s’est créée autour de ces facilités nouvelles. Cette possibilité a des aspects positifs : démocratisation de la science, essor de sa pratique et donc de son appropriation parmi tous les citoyens. Le coût des procédures et des équipements permettant de réaliser des manipulations aux effets réellement dangereux est encore beaucoup trop élevé pour pouvoir être acquis par des amateurs. Néanmoins, les inquiétudes que suscite la pratique de la DIYBio sont motivées : « bricoler » avec la biologie hors des institutions scientifiques est un risque potentiel pour la sécurité et un danger éventuel pour les perssonnes et l’environnement. En France, le mouvement DIYBio est représenté par des jeunes gens souvent parmi les plus talentueux et ayant éventuellement obtenus des récompenses académiques. Ils sont regroupés en associations (comme « La Paillasse »), ils ont des convictions citoyennes fortes, visant à favoriser de nouvelles collaborations entre les scientifiques professionnels et amateurs et à libérer la circulation de l’information et des logiciels (open source). Ils sont par ailleurs conscients et convaincus de la nécessité de mettre en place un cadre éthique pour garantir la poursuite de leurs activités. Ils sont reliés au mouvement européen « do-it yourself biology » qui va rédiger une charte éthique européenne. Le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche est particulièrement attentif à tout ce qui concerne les technologies émergentes, au fort potentiel d’innovation et de croissance. Il demeure vigilant sur les risques qu’elles peuvent engendrer. En ce qui concerne la biologie de synthèse, il a suscité la création d’un observatoire de la biologie de synthèse accueilli par le CNAM en janvier 2012. Il a pour principal objectif de mettre en place, autour de ce domaine de recherche, un dialogue en amont avec toutes les parties prenantes et tous les publics comme cela a été également préconisé par le rapport sur « les enjeux de la biologie de synthèse » présenté par Geneviève Fioraso devant l’office parlementaire des choix scientifiques et techniques (OPECST) en février 2012. Les acteurs de la biologie dite « de garage » sont représentés dans le comité de pilotage du forum de la biologie de synthèse mené par l’Observatoire. Ils sont associés aux réflexions et aux échanges qui intègrent des préoccupations éthiques, réglementaires et juridiques. Des mesures techniques de prévention et de confinement existent en effet pour tous les objets biotechnologiques avec des règles s’appliquant à tous les types de laboratoires. Les praticiens de la DIYBio doivent s’y soumettre. Un comité interministériel mené par le ministère de l’enseignement supérieur de la recherche suit les travaux de l’observatoire. Il est le lieu d’une interaction avec les autres instances gouvernementales concernées par les technologies émergentes (santé, écologie et développement, agriculture, industrie) et particulièrement avec le ministère de la défense et le secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale. Les risques en matière de défense et de sécurité sont clairement identifiés, suivis au niveau national avec une active coopération internationale. Au niveau international, la stratégie du dialogue est en effet pour l’instant préconisée comme la plus à même de ne pas entraver l’innovation et ses retombées économiques tout en maintenant la vigilance sur les risques potentiels.

questions.assemblee-nationale.fr/q14/14-15245QE.htm