Assemblée nationale - Audition de Mme Nathalie Loiseau, Ministre auprès du Ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes

Niveau juridique : France

réunion du 20-07-2017 de la commission des affaires européennes.

Extraits choisis :

  • Mme Danièle Obono Ma première question porte sur l’accord de libre-échange conclu par l’Union européenne et le Canada. Mon groupe a déjà posé une question au Gouvernement, mais la réponse nous a semblé insatisfaisante. Nous aimerions donc davantage d’éclaircissements. Ce traité nous semble problématique à plusieurs titres. Il démantèle des formes de barrières au commerce et aux investissements, il supprime les derniers droits de douane, notamment en matière agricole, et il donne aux multinationales des droits exceptionnels sur les États. Les précédents accords de ce type ont déjà montré les problèmes que cela cause aux États, et les victoires qu’ils pouvaient permettre à de grandes multinationales de remporter sur un certain nombre d’États. Avez-vous plus d’éléments sur cet accord, au niveau européen et du point de vue de son application en France ?

(…)

  • Réponse de Mme Nathalie Loiseau, Ministre auprès du Ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes: " Madame la députée Obono, vous m’avez réinterrogé sur l’Accord économique et commercial global (AEGC) ou Comprehensive Economic and Trade Agreement (CETA), dont je vois que c’est une préoccupation forte de votre groupe parlementaire. Quoique j’aie répondu hier, j’exprimerai un peu plus largement ce qui est, pour moi, une conviction. En matière de commerce international, nous avons le choix entre trois options : la loi de la jungle ; un protectionnisme qui irait à l’encontre des intérêts de nos entreprises et de nos secteurs économiques d’excellence ; une mondialisation régulée. Les accords que l’Union européenne passe avec des pays ou des groupes de pays extérieurs à l’Europe sont la traduction du choix de cette troisième voie. Nous avons beaucoup à y gagner. Cessons de les caricaturer comme ouvrant largement les portes de l’Europe à des compétiteurs féroces. Chez nos partenaires, les atouts qu’ils représentent pour nous et les gains que nous sommes susceptibles d’engranger sont mentionnés tous les jours, ils sont même questionnés, dans la presse. L’agriculture européenne, en particulier l’agriculture française – mais pas seulement l’agriculture –, a énormément à gagner du CETA. Il s’agit en outre d’accords de nouvelle génération, qui abordent des questions environnementales et sanitaires, auxquelles nous étions totalement indifférents il y a vingt ans. Nous progressons donc. Le Canada lui-même a énormément progressé en matière de normes sanitaires et environnementales, et nous devons respecter ce partenaire avec qui nous travaillons.

Le CETA n’en a pas moins suscité inquiétudes et interrogations. Je pense profondément que la Commission européenne doit progresser en matière de communication et de transparence des négociations. Nous l’avons dit à la commissaire Cecilia Malmström que nous avons rencontrée avec le Premier ministre : quand bien même la compétence est exclusivement communautaire, ce n’est pas une raison pour ne pas prendre la peine de communiquer régulièrement sur le mandat de négociation, sur le contenu des accords, sans quoi une suspicion dévastatrice s’installe. Une commission scientifique indépendante a été mise en place par le Premier ministre – je l’ai déjà dit hier – pour examiner les aspects sanitaires et environnementaux de l’accord. Elle rendra ses conclusions au début du mois de septembre. Nous avons obtenu que la mise en œuvre provisoire de la partie de l’accord qui doit être automatiquement mise en œuvre n’intervienne qu’après que cette commission aura rendu ses conclusions. Nous souhaitons qu’au-delà du simple cadre du CETA celles-ci puissent servir de lignes directrices pour la négociation des accords futurs. Cette sensibilité des citoyens, dont il faut avoir conscience qu’elle est inégale selon les pays de l’Union européenne – forte chez nous, je m’en félicite –, doit pouvoir trouver une réponse au cours des négociations.

Quant à la taxe sur les transactions financières, nous gardons cet engagement européen à l’esprit, mais le contexte du Brexit est marqué par une certaine incertitude sur les relations qu’entretiendront le Royaume-Uni et l’Union européenne après que le Royaume-Uni aura effectivement quitté l’Union. Or, en matière financière, l’incertitude est un poison. Il est important de la lever. Progressons tout d’abord sur l’ensemble des sujets ayant trait aux futures relations entre l’Union européenne et le Royaume-Uni ; le moment n’est pas idéal pour évoquer cette taxe. L’objectif n’en demeure pas moins, et la question des ressources propres de l’Union européenne dans le prochain cadre financier est parfaitement ouverte. Les financements innovants y ont toute leur place. »