Sénat : Proposition de résolution en application de l’article 73 quinquies du Règlement, sur la mixité de l’accord économique et commercial global entre l’Union européenne et le Canada

Niveau juridique : France

Proposition de résolution n° 722 (2015-2016) de MM. Michel BILLOUT, Éric BOCQUET et plusieurs de leurs collègues, déposée au Sénat le 23 juin 2016.

Le texte a été envoyé pour examen à la commission des affaires européennes.

«  Le Sénat (…) Invite le Gouvernement :

à demander à la Commission européenne une traduction officielle en français de l’accord avec le Canada afin d’assurer la transparence nécessaire avant toute ratification ;

à défendre auprès de la Commission européenne la mixité de l’accord économique et commercial global entre l’Union européenne et le Canada ;

à ne pas accepter la mise en oeuvre provisoire de l’accord économique et commercial global entre l’Union européenne et le Canada sans consultation préalable des Parlements nationaux ;

à poursuivre et développer les actions d’information et les garanties de transparence qu’il a engagées sur l’évolution et le contenu des négociations transatlantiques, aÌ l’intention des parlementaires, de la société civile et plus largement des citoyens. »

  • EXTRAITS CHOISIS DANS l’EXPOSE DES MOTIFS :

« Plus de 9 ans après le début des négociations entre le Canada et l’Union européenne pour un accord économique et commercial global (AÉCG), le conseil européen du 13 mai dernier a validé la version définitive de cet accord. Ce dernier sera présenté lors d’un sommet Union européenne-Canada en octobre prochain. Si l’accord économique et commercial global est considéré comme un accord mixte, s’ensuivra la ratification dans les 28 États membres et au parlement européen.

Les principaux objectifs de cet accord consistent à supprimer la plus grande partie des droits de douane restant sur les produits agricoles et industriels, à approfondir l’ouverture des marchés publics pour les entreprises, à renforcer la protection des investissements des entreprises européennes et canadiennes et faire respecter les « droits de propriété intellectuelle » des producteurs agricoles et industriels.

L’AÉCG souhaite aussi limiter les obstacles techniques et réglementaires au commerce dans de multiples domaines tels que la sûretéì alimentaire, l’usage des produits chimiques dans l’agriculture, l’alimentation ou les produits cosmétiques, la certification et les labels, les procédures douanières et comptables, les inspections sanitaires… »

(….)

«  Concernant la France, les échanges entre notre pays et le Canada s’établissaient en 2014 aÌ 10,9 Mds € - 5,9 Mds € pour les biens et 5 Mds € pour les services. Le commerce franco-canadien ne représentait qu’un peu plus de 1 % du commerce extérieur total de la France. Cette dernière était quant à elle le 9ème partenaire commercial du Canada. Les eìchanges bilateìraux entre la France et le Canada sont domineìs par les secteurs pharmaceutique, aéronautique, agroalimentaire et des matières premières.

Dans le cadre des accords de libre-échange, le Sénat a adopté récemment deux propositions de résolutions européennes.  »

(…)

« Il sera également nécessaire de préciser le fonctionnement du conseil de coopération réglementaire (CCR), son agenda, ses termes de référence et ses procédures. Pour le moment, nous disposons juste de l’information qu’il sera présideì par des représentants politiques des deux parties et composeì par les représentants « pertinents » de part et d’autre. Les normes et les réglementations sanitaires, écologiques, industrielles, techniques sont des choix définis par la volonté collective, le CCR ne pourra donc en aucun cas les remettre en question.

La conception de cet accord sur le principe de liste négative est une grande première pour l’Union européenne. Ainsi, tous les secteurs non listeìs sont par deìfaut ouverts aÌ la concurrence des entreprises et opeìrateurs eìtrangers. Tout nouveau service ne peut être réglementé ou nationalisé car n’étant pas sur la liste… Ce qui concrètement, aura une implication directe dans la conduite des politiques publiques et actuellement il est assez difficile d’en évaluer les conséquences.

Il semble donc indispensable de disposer d’études spécifiques sur ce point. »

(…)

« Le Gouvernement français a rappelé que cet accord devait être un accord mixte. Compte-tenu du contexte général et de l’état des débats au niveau européen, il apparaît indispensable que la France continue d’affirmer cette position. Les différents éléments abordés ci-dessus ne font que confirmer cette mixité.

Toutefois, même si une large partie des États membres souhaite qu’il en soit ainsi, à ce jour nous n’en avons pas la garantie.

De plus, s’il s’avère relever d’un accord mixte, se pose encore la question de l’application provisoire de cet accord.

L’Allemagne et d’autres États membres ont souligné que l’application provisoire de l’accord ne pourrait se faire que dans les domaines de compétence de l’Union européenne et que ceci ne pourrait avoir lieu qu’après le vote du Parlement européen.

Rappelons que cette application provisoire permet de faire entrer en vigueur par décision du Conseil les parties de l’accord relevant de la seule compétence de l’Union européenne, et ce, dès avant la ratification de l’accord par les États membres de l’Union.

Les obligations très étendues découlant de l’AÉCG pour les États membres exigent la participation de ces derniers au niveau politique et parlementaire. Leur décision doit pouvoir être prise librement et ne peut être préjudiciée par une mise en oeuvre anticipée de l’accord.

Il y a une véritable préoccupation que l’on prenne à l’insu des parlementaires, des élus, des citoyens des décisions qui ont une influence considérable sur leur vie, mais qui n’ont jamais été débattues avec eux auparavant. »