Question N° : 3503 de M. Jean-Jacques Candelier ( Gauche démocrate et républicaine - Nord ) sur les semences de fermes

Niveau juridique : France

Question publiée au JO le : 04/09/2012 page : 4864

Texte de la question

M. Jean-Jacques Candelier attire l’attention de M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt sur la nécessité d’abroger la loi n° 2011-1843 du 8 décembre 2011 relative aux certificats d’obtention végétale. La loi a été faite par la majorité précédente pour protéger les intérêts des semenciers contre ceux des agriculteurs. Elle porte atteinte au droit des paysans de maîtriser leurs productions, en leur imposant de verser aux industries semencières une dîme sur les fruits des récoltes. Le droit des agriculteurs de produire les semences à la ferme se réduit à produire des semences de variétés protégées par un certificat d’obtention végétale, encadré par le Règlement (CE) n° 2100/94 du Conseil du 27 juillet 1994. Les échanges de semences entre agriculteurs ne sont plus autorisés. Il est à noter que l’industrie semencière n’a jamais rien payé pour utiliser les semences qu’elle a prises dans les champs des paysans. Une pratique ancestrale et de bon sens consiste pour les agriculteurs à utiliser leurs propres récoltes pour ensemencer leurs cultures. Cette tradition a permis à de nombreux agriculteurs de réaliser d’importantes économies, mais également de rester indépendants de l’industrie semencière. Outre qu’elles sont plus écologiques et qu’elles permettent de garantir leur traçabilité, les semences de ferme sont beaucoup moins consommatrices de produits phytosanitaires que les semences industrielles car bien adaptées aux terroirs. Elles protègent par ailleurs les agriculteurs des contaminations par les organismes génétiquement modifiés. Ainsi, à terme, la biodiversité, la qualité et la variété des semences seraient menacées. Afin que les agriculteurs puissent à nouveau conserver et réutiliser gratuitement leurs propres semences de toutes les espèces cultivées et retrouver une certaine autonomie face à la filière semencière, il lui demande s’il compte proposer l’abrogation de la loi n° 2011-1843 du 8 décembre 2011 relative aux certificats d’obtention végétale et s’il compte, dans cette attente, ne pas signer ses décrets d’application.

Réponse du ministère : Agriculture, agroalimentaire et forêt

parue au JO le 09/10/2012

La loi n° 2011-1843 du 8 décembre 2011 relative aux certificats d’obtention végétale (COV) conforte le dispositif des COV comme élément essentiel de protection intellectuelle des variétés végétales, permettant de protéger l’innovation dans le secteur de la génétique végétale dans le respect de l’équilibre des droits entre les différents acteurs. Cette loi permet également à la France de se mettre en conformité avec ses engagements internationaux en matière de protection intellectuelle des obtentions végétales, et notamment avec la convention de 1991 de l’Union pour la protection des obtentions végétales (UPOV). Ces engagements ont été réaffirmés à travers la publication du texte de cette convention par décret du 5 juillet 2012. Le dispositif des COV tel que prévu par la Convention de l’UPOV est un système de protection intellectuelle beaucoup plus ouvert que d’autres dispositifs comme celui des brevets. En effet, ce dispositif permet entre autres que l’agriculteur qui met en culture une variété protégéee puisse utiliser une partie de sa récolte comme semence en vue de la récolte suivante (« semence de ferme »), sans accord préalable de l’obtenteur. Le texte de la loi renvoie à des accords interprofessionnels le soin d’organiser les modalités de cette pratique, notamment le versement d’une indemnité aux obtenteurs détenteurs du COV afin de prévoir une juste rémunération de leurs travaux de recherche. Ce texte n’oblige aucun agriculteur à utiliser une variété protégée. Pour les variétés non protégées, ce texte ne modifie par ailleurs en rien les droits des agriculteurs à ressemer leur champ avec une partie de leur récolte. Il convient de plus de noter que ces dispositions relatives à la protection intellectuelle des obtentions végétales ne modifient en rien la réglementation déjà applicable en matière d’échanges et de commercialisation des semences, réglementation qui est directement issue de directives européennes. Ainsi, la loi du 8 décembre 2011 ne crée en aucune façon une nouvelle taxe pour les agriculteurs, mais au contraire donne désormais un cadre légal à la pratique des semences de ferme pour des variétés protégées par un COV national, pratique qui était courante dans le monde agricole, mais qui sans encadrement juridique fragilisait l’agriculteur qui y avait recours. Les décrets d’application de cette loi sont actuellement en cours de rédaction par le ministère de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt. Leur élaboration, qui doit se faire dans le respect de la réglementation européenne elle-même en évolution, nécessite un pas de temps suffisant permettant d’assurer une large consultation des parties prenantes pour identifier toutes les souplesses que ce texte peut permettre.

questions.assemblee-nationale.fr/q14/14-3503QE.htm