Semences et droits collectifs en Italie

Interview d’Antonio Onorati en Espagne

GRAIN,

Résumé

Interview d’Antonio Onorati (CROCEVIA) sur les différentes initiatives des régions italiennes sur la biodiversité cultivée (reconnaissance des semences paysannes, droits collectifs)

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Texte complet

Q: Commencons avec l’inventaire des initiatives legislatives en Italie sur les varietes paysannes.

En Italie on a cinq regions plus deux qui sont en train de rediger des lois sur les ressources genetiques.. La reference c’est Toscana et Lazio car les restes ont ete plus ou moin copies.

Essentiellement tu as une pratique qui s’est instauree qui a essaye de faire passer deux messages au meme temps. Un, c’est un message defense-recuperation-valorisation des ressources genetiques. Et l’autre c’est utiliser ca pour bloquer les OGM. Donc c’est deux choses qui se sont croisees et qui justement font quelque peu de confusion parfois parce que il y a aussi les lois GMO-free dans lesquelles on fait reference a la defense de l’agrobiodiversite

Pour la mise en application de la Directive 98/95/EC c’est Marche, Friuli-Venezia Giulia, Umbria, Lazio, Toscana, Molise et Abruzzo. Molise c’est surtout sur flore autochtone, varietes locales et cultivation - - c’est defense de la biodiversite.

Pour le background, tout ca est ne entre 1995 et 2000 comme mouvement de defense, de recuperation et de protection de l’agrobiodiversite. Donc les lois qui ont ete faites avant 2002 sont tres inspirees par cette poussee et en meme temps, puisqu’a ce moment il etait pratiquement impossible de faire des lois GMO-free pour les regions, certaines de ces lois ont introduit aussi des barrages pour se defendre des OGM.

La discussion sur la protection et les droits , a part la loi de Lazio, n’etait pas du tout presente. On ne s’etait vraiment pas pose la question.

Q: Pourquoi est-ce qu’elle s’est posee a Lazio?

Les lois de reference ont ete ecrites a partir d’un draft de Crocevia et par les activistes du réseau semences en Italie. C’est tres complique parce que les gouvernements regionaux normalement donne ca a faire aux legislateurs. Le ministere regional de l’agriculture n’a souvent pas beaucoup de competence et normalement ce sont des agronomes qui les font. Donc, ils ne comprennent pas grand-chose.

Ces lois-la sont en anticipation de la loi nationale des semences. La loi nationale de semences fondamentale c’est la loi 212 de 2001. Celle-la c’est l’application en Italie de 98/95/EC, la directive europeenne, sur laquelle nous avons anticipe la partie des des « registres » . Il faut noter qu’en Italie les catalogues de semences nationales s’appellent des registres nationaux de semences encore, comme dans la tradition. Les lois regionales italiennes ont ete toutes notifiees a Bruxelles. C’est-a-dire, Bruxelles est au courant et jusqu’a present n’a jamais conteste les lois. La loi italienne des semences a aussi ete portee a Bruxelles et n’a jamais ete contestee non plus.

A partir de 2001-2002, il y a eu une nouvelle vague de legislations qui sont un peu plus sophistiquees en principe. Parce que la discussion etait un peu plus approfondie et c’est la que s’est etablie un lien avec les certifications DOP1, DOC2 - - indications geographiques de provenance. On fait un lien. On lie les terroirs abstraits a une possible utilisation comme atout pour obtenir des denominations d’origine. Maintenant c’est un phenomene assez repandu en Italie. Il y a beaucoup de denominations d’origine qui font reference a des varietes locales. Mais s’il n’y a pas une legislation nationale qui fait loi-cadre et qui donc etablit que les varietes locales, ecotypes, etc, sont a considerer, dans un registre, comme une reference juridique reconnue, toutes les DOP et DOC qui font reference a une variete traditionnelle sont rejetees par l’Union Europeenne.

A cause de quelque chose de tres simple sur lequel l’Union Europeenne a parfaitement raison. Tu ne peux pas dire Radis de Chioggia parce que ce radis il est aussi inscrit comme variete industrielle dans les catalogues. Tu ne peux pas dire « Non, moi je parle de l’ecotype Radis de Chioggia! » parce que l’ecotype Radis de Chioggia - - chose qui est vraie - - n’existe nulle part formellement. Surtout si - - Veneto c’etait le cas - - il n’y a pas de loi de conservation de biodiversite et il n’y a pas de loi nationale qui fait un registre pour les varietes non industrielles, les varietes paysannes, dans lequel tu dis ce que c’est que le Radis de Chioggia. Parce que autrement tu ne peux pas, sous la loi europeenne, utiliser ni comme image de marque ni, encore pire, pour un DOP/DOC/IGP3 la nomination d’une variete qui est inscrite au catalogue (ou qui etait inscrite au catalogue, ca n’empeche). Tu ne peux pas inventer la notion d’ecotype parce que ca n’existe pas. Donc il est entendu que ce que tu nomme c’est celle qui est inscrite au catalogue et donc tu n’a pas droit parce qu’aucune DOP peut porter le nom d’une variete inscrite au catalogue parce que le proprietaire-obtenteur c’est lui qui a la possession de ca, il peut t’empecher. Ils l’ont deja fait. Et donc il y a trois DOP italiennes qui ont ete rejetees avec cette motivation par l’Union Europeenne. Il etait approve par le Ministere de l’Agriculture italienne mais l’Union Europeen a dit « Non, non, ca, vous ne pouvez pas. »

Q: Tous les produits portant une denomination d’origine qui se refere a des varietes anciennes, disons, sont-ils vraiment des produits fait a partir de varietes anciennes?

Oui. Enfin la plupart. Il faut voir deux choses: ce qui se fait de maniere illegale et ce qui se fait de maniere formelle. D’un point de vue formelle, c’est assez correct, ca correspond bien, sauf que quelques fois on exagere. Bien sur, le Lazio et la Toscana, qui ont un systeme de caracterisation, peuvent bien defendre ce dossier. Mais, moi je suis sur que Bruxelles pourrait dire « Puisque les lois regionales n’ont qu’une valeur regionale et, au contraire, DOP et DOC ont une valeur europeenne, c’est quoi la loi cadre nationale a laquelle vous faites reference? » Meme si c’est correct que vous avez « le fromage de chevre de chez Onorati », il y a 15 chevres, ce n’est que ca, c’est avec 15 litres de lait, il y a donc 10 tonnes qu’on fait, c’est tout. Ca c’est vrai. Mais tu ne peux pas dire parce si on donne un nom a ce chevre et ce nom ne resulte nulle part au niveau national. Donc s’il n’est pas reconnu au niveau national sur une liste ou un registre, tu ne peux pas utiliser le nom. Pour l’Europe, c’est n’est qu’une image, un trademark. C’est pas un DOP donc. C’est un produit de l’imagination. Tu peux appeler un fromage « le fromage Renee fait maison » mais ca n’aucun droit, ca ne te donne aucun droit a le proteger avec un DOP.

Ca, c’est une question sur laquelle on est train maintenant de donner une bataille au Ministre en disant « Ministre,. Si tu ne veux pas un decret ou une loi nationale qui recupere toutes les lois regionales et qui etablit qu’est ce que c’est qu’une variete paysanne, ancienne, population, tout ca, les DOP faitees a partir des varietès locales vont à etre rejetèes par bruxelles. »

Donc d’abord les regions ont avance, il faut etre clair. Maintenant, il faut encore un pas du Ministre pour faire la loi cadre de reference sur les varietes paysannes.

Les DOP ont une valeur europenne et extra-europeenne. La base juridique c’est les directives europeennes et les reglements sur les DOP. Tout ca passe par une approbation du gouvernement national d’abord et c’est lui qui propose les dossiers a Bruxelles. Mais Bruxelles lui dit « Non, il est rejette parce que votre dossier national manque la loi nationale dans laquelle vous dites que le Radis de Chioggia c’est un ecotype. » Pour nous, ici, a Bruxelles, c’est comme si vous disiez « la Reine Renee ». Aucune utilite pour etre une DOP.

Q: Combien de ces lois regionales donnent la possibilite de commercialiser les varietes paysannes?

C’est present un peu partout…. La question est debattue au Ministere aussi. En principe, soit l’Association de Semenciers Italiens (la AIS), soit le Bureau de Semences du Ministere de l’Agriculture italienne ils sont d’accord sur la commercialisation. Plus le Bureau de Semences dit « Moi, je n’ai aucun besoin pour le moment d’intervenir pour eviter la commericalisation a condition que cet echange de semences ne se fasse pas a travers un document a caractere fiscal (une facture). » Autrement dit, vous pouvez echanger toutes les semences que vous voulez, soit farmer-to-farmer (moi je te donne un kilo d’haricots et toi tu me donnes un ageneau), soit a l’interieur d’une association de producteurs comme telle. Par exemple, toutes les associations bio, les membres de l’association pourraient echanger entre eux comme service interne a l’association. La chose ne se fait pas parce que les associations sont trop cons et c’est tres complique a organiser. Mais sur le terrain ca se fait.

Donc dire en Italie « On veut la liberalisation du commerce des semences! » ca n’a vraiment pas de sens. Si c’est farmer-to-farmer on peut le faire, on n’a pas besoin d’une autorisation pour le faire. Si, au contraire, on dit qu’on veut ouvrir un marche de semences paysannes, alors il faut appeler ca « marche de semences paysannes ». liberaliser l’echange de semences entre paysans, pour l’Italie, ca n’a pas de sens parce que nous on peut faire ca, echanger des semences entre paysans. Tu perds L’aide communautaire, la prime communautaire, mais pour la petite paysannerie familiale ca c’est une connerie parce que de toute facon elle ne la touche pas.

Q: Mais la legislation europeenne de Bruxelles dit que toute commercialisation des semences doit etre des semences certifiees, inscrites au Catalogue.

Non. Ca c’est une question differente. La question est liee a la maniere dont a ete approuve l’UPOV et aussi la reference europeenne qui est faite a l’UPOV. Dans la legislation europeenne, qu’est-ce que c’est que la commercialisation des semences? Dans l’interpretation de la regle europeenne, l’Italie dit que pour commecialisation on entend un echange documente a travers un document fiscal. Donc une facture. Ca tu ne peux pas faire. Je ne peux pas te facturer 50 kilos de ble dur variete traditionnelle paysanne. Mais moi je peux aller chercher chez mon voisin 50 quintaux de semences ble dur. Je suis dans la totale legalite. Je lui paie ca avec deux agneaux ou je lui paie ca en cachette car je ne veux pas une facture ou je lui rend de la semence. En Italie, on peut faire, on le fait et personne n’a jamais ete touche par ca. Ca c’est clair. Moi je sais bien que dans la campagne qu’on fait en’Europe c’est bien de dire « O, les paysans, ils sont interdits d’echanger leurs semences! » C’est un peu comme le terrorisme contre les OGM. C’est une connerie de dire « Les OGM, tu les mange, tu tombes malade. » C’est pas ca. Ca ne sert a rien.

Q: Mais dans la loi italienne de 2001, on dit que par commercialisation de semences on entend le mouvement des semences « con o senza compenso ». Et ca c’est ce que dit la legislation europeenne. C’est pour ca qu’on dit qu’on ne peut pas echanger parce que « senza compenso » ca veut dire echange. Donc les Etats peuvent interdire l’echange non commercial.

Bien sur: les Etats peuvent interdire. Ca c’est different. En France c’est interdit, mais c’est un probleme qui ne touche pas la regle generale qui peut etre appliquee. Ce qu’on peut dire c’est que les Etats ne doivent pas interdire. Mais alors, la question qu’il faut poser serieusement ce n’est pas celle de qui fait l’echange paysan-paysan. C’est celle de dire « Nous voulons creer - - et la il faut definir - - un marche pour les varietes paysannes. » De quoi on parle la-dedans? Tu ne peux pas etablir un tel marche sous les regles de la liberalisation parce que la on retombe dans une logique ultraliberaliste dans laquelle nous, par exemple, les italiens on n’est pas d’accord. Nous disons « Partageons bien les choses. Il est bien qu’il y ait une possibilite pour le paysan semencier, celui qui produit du material de multiplication, qu’il puisse faire un marche avec ca. Mais ca, son marche doit etre defini a part et doit rester dans la dimension locale, dans la dimension exploitation familiale et ne pas cacher un marche de type semi-industriel. »

Q: Et ca vous faites a travers les quantites limitees?

Oui. Et la territorialite: une quantitè donnèes en reference a un terroir (region, provence)

Alors, la question des quantites limitees se pose deja dans les lois regionales.comme elel se pose pour l’introdution des sememnces pour experimenattion (qui ne sont pas inscrit au catalogue) ou on parle de « quantitè limitè » dejà dans la loi semences Ce n’est pas une quantite regionale mais c’est par echange.

Q: Par acte d’echange?

Oui, ca, il faut definir. Car on veut eviter qu’un monsieur commercialise 200 tonnes, parce que ca cache une industrie. Ce qu’on veut eviter en Italie c’est que les varietes traditionnelles - - comme c’est deja le cas pour le bio - - se transforment en une nouvelle affaire pour un secteur industriel qui se presente tres sexy, tres paysan-paysan. La, on ne veut pas. Les biodynamiques allemands veulent monter une industrie semenciere pour les bios qui passe a travers l’industrie semenciere et ils se bagarrent avec les monopoles. Nous, on ne veut pas de filiere monopole sur les varietes paysannes. Il faut a tout prix eviter les monopoles, y compris les nouveaux monopoles. On n’evite pas les nouveaux monopoles avec la liberalisation a ultrance des semences, bien au contraire. On peut l’eviter avec des regles etablies et negocier pour controler l’offre.

Q: Quand on parle de quantites restreintes, qu’est-ce qui est trop petite et qu’est-ce qui est trop grande?

Il faut l’axer sur le paysan-vendeur, fixer la quantite permise par paysan-vendeur par an.

Q: Et par variete?

La, il faut voir, car pour les pommes de terre c’est des quintaux et pour les radis c’est des grammes. Mais ca on peut faire, ce n’est pas complique. En plus, dans chaque region, tu n’as pas mille especes qui seront commercialisees.

Q: Est-ce que vous avez des statistiques sur les quantites de semences de varietes paysannes qui sont commercialisees en Italie aujourd’hui? Enfin, commercialisees…. Est-ce que vous dites « commercialisees » ou quoi?

Varietes traditionnelles? Je pense qu’on n’a pas une vraie idee parce que les seules quantites qu’on sait c’est celle du farro qui a ete inscrit au catalogue national. Le reste c’est farmer-to-farmer et on n’a pas une tres bonne idee.

L’autre chose qui apparait en Italie maintenant c’est que n’importe quoi risque d’etre considere comme variete traditionnelle, variete paysanne, race locale. On a meme exaggere en Italie. Donc je vois un risque qui peut venir de ce cote. Mais la question, tout ce qu’on est en train de discuter, est vraiment sur le tapis maintenant dans les regions qui doivent appliquer la loi. Ils s’y mettent maintenant parce qu’il faut considerer qu’on a passe 4 ou 5 annees pour connaitre, pour sauvegarder, pour etablir les listes, pour organiser un peu. Maintenant il peut y avoir une offre et la je te donne un phenomene negatif qui s’est deja produit pour les animaux.

Tu te devines, les races de brebis locales ont une valeur importante pour la production, surtout de fromage. Tu trouves des mini-troupeaux de 2.000 max. Il y a avait des troupeaux de 250.000 il y a 45 ans et il n’en reste que 2.000. Ils font un lait tout a fait particulier avec un taux de graisse au minimum 9%,. Avec 2.000 tetes tu fais quoi? Il te faut au moins ramener ces troupeaux entre 45 et 50.000 si tu veux organiser une production comme il faut. Autrement tu as un parc zoologique. Et la, on a un probleme. Les quatre bonhommes qui ont les 2.000, ils te disent « Tu nous paies 350 euros la bete ». Sept fois le prix normal. Donc on est depasse parce qu’on a cree une valeur ajoutee, on a cree un marche, mais la on a cree un monstre. Donc il faut une intervention publique qui assume la tache de la multiplication du materiel On ne peut pas laisser ca totalement dans les mains des farmer-to-farmer. Moi je fais partie des gens qui veulent acheter ca, nous en avons une quinzaine et les prix sont hors portee. Le gens s’y interessent, les industriels s’y interessent, il y aurait une DOP deja existante qu’on pourrait accomoder exclusivement sur cette race, mais on n’avance pas. Les 2.000 sont 2.000 et ne vont pas devenir 20.000 si on ne les repartit a une vingtaine d’eleveurs qui vont les multiplier le plus vite possible faisant des croisements hors race pour purifier - - enfin des beliers pure race et des moutons mixtes - - pour essayer de remonter la race le plus vite possible.

Donc pour revenir a une race locale paysanne ce serait un cadre de travail tout a fait dans les mains des bergers, la selection. C’est le bon exemple de succes total. Quand nous on a parle de ca, Bruxelles nous a dit qu’il n’y en a plus, c’est mort, parce qu’ils ont regarde dans les registres et dans les registres il n’y en a plus. Apres, on a fait la loi et la loi a fait sortir les 2.000. C’est a cause de la loi que les 2.000 se sont manifestes en disant « Eh voila, on est la et on les a!mais vous le payèes comme un fortune »

La-dedans, on revient a la propriete. Le bonhomme, il te dit « Les moutons sont les miens. » Tu ne peux pas lui dire « Non, je viens et je te les expropie. » (J’aimerais bien le faire un jour, mais enfin!) Nous, on retorque, « Bien, mais le materiel de multiplication, donc l’information genetique, ce n’est pas le tien. »

Q: Et qu’est-ce qu’il a dit?

Ah lui, il a dit « De toute facon, si vous voulez mes moutons, vous me payez 350! » Non, mais maintenant on est en train de rediscuter et un de ceux qui a 500, qui est un vrai berger et comprend, il commence a comprendre et il dit « Mais il nous faudrait un soutien public. Je ne peux pas faire cadeaux de ces moutons. » Quand meme lui, il a conserve, il a les 500. Tu sais, la race la plus performante de moutons en Italie fait 1 litre de lait presque. Ces moutons-la, ils font autour de 200 centilitres. Donc un quart de litre. Donc les conserver, ils font de la bonne chair mais les gens qui ont decide de les avoir, c’est un choix qu’ils ont fait. Donc tu ne peux pas les traiter comme de delinquants. Donc, il a droit a une quelque forme de compensation non monetaire. Donc lui il dit « D’accord mais il faut faire un plan. Il faut un soutien, il faut un systeme qui me donne une compensation de toute facon. »

Maintenant que le Ministre regional a change on va voir. Mais ils en parlent entre bergers et c’est deja bien. Il faut reprendre, il faut y travailler et faire une proposition.

Une autre exemple c’est l’haricot Zolfino. C’est un haricot de Toscana qui a ete tres valorise par les Slow Food - - tres, tres sexy. Meme le Premier Ministre connait. Clinton, quand il est venu en Italie, il a mange du zolfino. Alors maintenant, un kilo de semences Sofino coute une prime. Chez nous on dit que tu les achete chez le bijoutier, car c’est vraiment cher. Et on ne sait plus tres clairement d’ou vient la semence et qui est en train de les commercialiser.

Donc sans reglements, eux ils ont une DOP parce que justement cette lentille n’est pas registree dans le catalogue italien mais ils ont mis un nom territorial. Ils n’ont pas mis une variete, ils ont mis un nom tout a fait particulier qui est un nom tres connu et ils n’ont pas mis, dans le cahier des charges, par hasard l’origine des semences. Donc effectivement la lentille appartient aux produits sous ce terroir mais les semences ne sont pas produites sur place et viennent du Canada.

Q: Les semences viennent du Canada?

Oui, et une partie de la production, j’en suis sur. Car c’est une lentille tres petite que tu trouves au Maghreb aussi, enfin, c’est des populations de lentilles qui se developpent dans des terroirs pas tres fertiles, dans les collines ou des pre-montagnes, et qui au contraire au Canada sont produites dans les grandes plaines, industriel, et par centaines d’hectares.

Q: Et la semence est directement envoyee vers l’Italie et en Italie c’est produit avec une denomination?

Oui. Mais on ne peut pas prouver.

Q: Parlons des droits de propriete dans la legislation. Ca c’est apparu a partir de la loi de Lazio?

Oui.

Q: Et ensuite ca a ete repris par Umbria et Toscana?

La, il faudrait regarder toutes les lois et confronter les articles. Mais je peux t’expliquer le debat qu’il y a derriere.

Les organisations, les ONG, nous on pousse pour ecrire ces lois, on les negocie avec les parlements regionaux, avec les ministres regionaux et tout ca. Apres ils sont gerees et administrees, ces lois, par la bureaucratie institutionnelle. C’est le fonctionnaire public qui prend une loi et l’applique, c’est pas nous. Il y a une liste de problemes qui sont lies au concept de droits collectifs. Parce que les fonctionnaires ils ne comprennent pas. Parce que d’abord ils ont dans la tete « propriete privee ». Donc la premiere chose qu’ils disent si je viens de trouver le belier un tel chez Monsieur c’est que ca appartient a lui. De meme si je trouve des haricots chez Madame, c’est a elle qu’ils appartiennent. Alors on a dit « Non! Distinction materiel-immateriel. » Sur l’immaterial ils ont dit « D’accord, on comprend, oui, l’immateriel c’est l’information genetique. Donc ca il faut proteger differament. » Mais la question c’est: a qui on attribue les droits collectifs? A la mairie? A des ensembles de mairies? A d’autres autorites publiques? Nous on dit non. Parce que s’il y a des communautes locales organisees, c’est a eux qu’il faut attribuer. Alors ils disent, « Quelle est la forme d’organisation? Ce n’est pas la tribu en Italie! » Et on est la, dans ce debat, pour voir comment on applique.

Ca depend des chances. C’est pour ca qu’en Toscana ils ont fait reference a l’utilisation plutot qu’aux droits collectifs. Ils ont plus d’experience et ils se sont bagarres beaucoup parce qu’eux ils sont plutot de la culture « biens de l’humanite », avec l’inspiration de Vandana et tout ca.

Donc la question a qui on attribue des droits collectifs c’est la question qui se pose.

Q: Ce n’est pas resolue?

Eux ils n’ont pas resolu et nous on n’est pas tres avance dans la discussion. Nous, on dit « communautes locales organisees ». Essentiellement, dans la legislation italienne, si tu attribue au mairie un theme de droits collectifs tu es deja sauve. Parce que les droits collectifs qui sont attribues a la mairie, le mairie ne peut pas, lui, les annuler. Parce que les mairies ne font pas de lois et les droits sont etablis par loi souveraine de l’Etat. La region peut intervenir, mais deja d’une maniere plus limitee parce qu’on peut leur bloquer, mais les mairies ne peuvent pas. Les mairies ne font pas de lois donc ils ne peuvent pas vendre ou faire quelque chose sur des choses qui sont protegees par des droits collectifs. Nous on a deja des droits collectifs sur ce qu’on appelle l’ « usage civique ». Ce sont des lois qui viennent du Moyen Age et les mairies ne peuvent rien faire la. C’est l’administration regionale et nationale qui peut changer la loi et donc les annuler. C’est l’Etat souverain dans ce pouvoir d’essayer d’annuler ces droits et meme en jurisprudence les lois » usi civici » disent que ces droits restent pour toujours. Parce que c’est des droits a la faveur des generations actuelles et futures. Donc un Etat souverain, une fois qu’il les a reconnu, il ne peut pas les annuler parce qu’il ne peut pas annuler des droits des acteurs qui pour le moment n’existent pas.

Donc on peut se defendre. Ce serait bien d’amener tout ca en justice et faire de la jurisprudence mais ca coute une fortune. Mais il y a une discussion sur ca et meme au Parlement italien il y a une proposition sur les biens communs qui se prepare.

Q: Mais tu dis que pour l’instant ce n’est pas encore regle, a qui ca appartient?

Non, la, il y a un front de bataille, disons, mene par des ONG et certaines organisations politiques. Par exemple, certains partis sont alignes sur les droits collectifs, surtout les partis de l’extreme gauche, ca, ils nous soutiennent la-dedans. D’un point de vue bureaucratique, la chose n’est pas reglee. Mais les fronts sont assez clairs quand meme. Et quelque part, meme les industriels, ils seraient d’accord a des varietes paysannes sous droits collectifs plutot que protegees par un IPR parce qu’ils disent, « De toute facon, pour nous, ce n’est pas un marche. Et de toute facon, si on veut leurs genes, on les a dans les genebanks et on va les prendre. » Donc, apres, c’est a nous de faire bagarre contre eux s’ils mettent un UPOV ou quelque autres tipe de monoplole sur ca.

Q: Donc pour l’instant ca appartient a qui?

Pour la loi de Lazio, d’un point de vue juridique formel, c’est clair: ca appartient a la collectivite. Donc le Monsieur un tel, a les haricots, il vend les haricots, mais les informations « immaterielles », on dit en italien, appartient a la collectivite. Ca veut dire, en exclusion, que lui il ne peut pas vendre ces informations. Ca c’est clair.

Q: Et la collectivite est representee par qui?

Ca c’est un deuxieme probleme, c’est a dire, ou il faut inscrire? C’est ce qu’on appelle en legislation italienne et europeenne l’ « inscription » de ces droits. La collectivite, disons les interets publics en manque d’autre expression, est representee par les organes administratifs representatifs. Donc: les mairies, les provinces, les regions ou ce qu’on appelle les collectivites d’administration locale (plusieurs mairies, plusieures regions). Si on veut un bagarre on sait a qui on prend. Il y a eu un maire qui a essaye de faire un accord avec une societe suisse et on lui est tombe dessus et il a du denonce l’accord et on a recupere le materiel. Ca marche aussi si tu leur tape dessus. Lui il a compris vite. C’etait dans l’Abruzzo avec une loi qui est quand meme moche.

Q: Une chose que je n’ai pas compris: quel est ce droit de « propriete »?

Non, c’est des droit collectifs, ce n’est pas un droit de propriete.

Q: Mais il est ecrit « droit de propriete ».

Oui, mais c’est le droit collectif, c’est comme l’utilisation civique. Je te donne l’exemple le plus courant. Il y a 5.000 hectares qui sont couverts par des droits collectifs des communautes locales. Ca s’appelle universitas du Latin, universitas agraria. Donc tous les utilisateurs de ces terres seront agroupes et c’est eux qui gerent l’utilisation. Donc c’est eux, a titre collectif, tous proprietaires et aucun proprietaire personnel.

Q: Mais c’est un droit d’usage?

Ca devient un droit d’usage. Et eux ils etablissent que, par exemple, « On veut faire du paturage ». Donc ils ont droit d’amener leur moutons et leurs vaches. Et puis ils disent, « Non, mais il ne faut pas amener 1.000 vaches chacun, donc on met un limite ». Apres ils disent « , il nous faut quand meme certaines terres et qu’on les cultivent pour nous payer la gestion de ces terres. » Donc ils decident de les emblaver, peut 400-500 ha a ble et le revenu de ca appartient a tous et a personne et est utilise pour mettre l’eau, pour faire des protections, pour faire les barrieres. Donc le revenu est utilise pour gerer le bien collectif. Et c’est un bien collectif - - ca n’appartient a personne, a aucun individu, ca appartient a tout le monde.

Q: Mais la loi de Lazio parle a la fois de « patrimoine » et de propriete. Normalement on parle de propriete quand il s’agit d’un bien, quelque chose qui peut etre transfere, vendu, achete, etc. Quand il s’agit de patrimoine, c’est normalement pas un bien. C’est quelque chose qui se garde, qui se transmet (en heritage), dont on se jouit, mais qu’on ne traite pas comme un bien, on ne le vend pas. Et normalement il y a une difference entre droit d’usage et droit de propriete. Droit d’usage c’est comme tu expliques. Mais dans la loi ici, on parle de « droit de propriete ». (Et en meme temps de patrimoine!) C’est pour ca qu’on est confus. Regardez l’Article 5: « Fermo restando il diritto di proprietà su ogni pianta od animale iscritti nel registro di cui all’articulo 2, il patrimonio delle risorse genetiche di tali piante od animale appartiene alle communità indigene e locali…"

La, on fait la distinction entre bien materiel et information immaterielle. Il est clair que le mouton, c’est au Monsieur. Et le poirier, c’est au Monsieur. Mais la partie immaterielle, ca c’est sous droit collectif. Donc, le bois du poirier, c’est au Monsieur, mais les informations sont couvertes par des droits collectifs. Pour etablir des IPR, c’est sur les ressources genetiques comme telles, donc une information immaterielle.

Q: Je comprends ce que tu dis, mais je ne vois pas ca dans la loi.

Le background, c’est la distinction entre bien materiel (hardware) et les infos (software). Le soft la-dedans c’est droits collectifs. L’autre tu ne peux pas parce que pour les bien materiels en Italie ils sont tous couverts, comme tels, par le droit de propriete privee. Tu peux exproprier, par exemple pour les terres. Il y a un article dans la Constitution qui dit que, il y a des cadres dans lesquels on limite la portee des droits de propriete privee et le cas typique c’est de choses qui se relient a la terre. L’Etat peut venir et exproprier quand il y a un interet social superieur.

Q: Mais qu’est-ce que ca veut dire « fermo » ici?

Ca veut dire « Tout en confirmant le droit de propriete privee des biens materiels » - - donc, le bois du poirier que tu as chez toi.

La propriete du bien physique de l’animal (le mouton) et la plante (le bois du poirier), c’est une chose. Quand tu dis « Moi, j’ai un poirier qui a 150 ans », la, il t’appartient. Et tu peux decider de le couper. Mais le patrimoine - - les informations, la valeur globale du materiel genetique - - ca ne t’appartient pas. Donc avant de le couper, moi je peux te dire « Attention, tu ne peux pas le couper quand tu veux parce que d’abord je dois prendre des souches pour les multiplier et faire une conservation de securite. » C’est bien le cas. On a deja utilise ca. Et donc la, c’est le patrimoine genetique.

Q: Donc la partie physique ca appartient a la personne mais le patrimoine des ressources genetiques - - l’information, comme tu dis, le software - - ca appartient aux communautes indigenes et locales. Est-ce qu’il y a des communautes indigenes en Italie?

Sardaigne, les albanais, les grecques, les allemands de Bozano, les gens du Val d’Aoste….

Q: Donc ce patrimoine appartient aux collectivites. Quel est l’effet de cela? Quel est l’impact? Qu’est-ce que ca fait?

Ca fait deux choses. Premierement, que tu peux faire recours a la justice si quelqu’un essaye de mettre un brevet utilisant ce material comme OGM. Deuxiemement, tu peux encore faire recours a la justice si on met un IPR du style UPOV sur cette variete-la. Donc tu peux bloquer biopiraterie et tu peux bloquer brevet. Troisiemement, si tu l’appliques bien, tu etablis un systeme de patrimoine collectif sur les varietes paysannes locales en Italie. Et donc tu crees une possibilite d’acces autre que celle a travers la privatisation.

Le fait que c’est un patrimoine collectif, l’acces est socialement negocie. Ca veut dire qu’il n’est pas libre, ca c’est notre difference aussi, ca n’appartient pas a l’humanite, ca appartient a quelqu’un. Et ce quelqu’un c’est un pluriel collectif. Donc si d’autres paysans ou d’autres gens veulent avoir acces a ce materiel, ils doivent le negocier avec ces gens-la. Si je veux porter les 2.000 moutons a 20.000 moutons, il faut que je negocie avec les bergers. Je peux le faire en disant, « Ne me traitez pas comme des gangsters, parce que de toute facon vous etes proteges par une loi et donc vous avez aussi des devoirs. » Alors lui il me dit, « Tu me donnes une compensation », et moi je lui dis « Tu me donnes un mouton ». Parce que sous les droits collectifs, l’utilisation du bien doit couvrir un interet collectif, pas personnel. C’est pour ca que meme dans l’utilisation des terres tu ne peux pas venir tout seul avec 1.000 vaches et celui d’apres il ne pourra pas les mettre parce qu’il n’y a pas de place pour d’autres vaches. C’est un cas tres, tres concret. Donc ils disent « Ici, il faut mettre 1.000 vaches sur ces terres, combien on est? On est 10 et c’est 100 vaches chacun. Ou on est mille et c’est une vache chacun. » L’utilisation du bien collectif est collectivement discutee. Tu vois le pas en avant qu’on fait?

Q: Et puisque tout ca est regi par des lois regionales, c’est vraiment la region qui est le cadre? Ca s’arrete a la region?

Oui, mais la on est un peu dans la merde. On peut le faire au niveau regional sauf qu’on est toujours sous l’epee soit de Bruxelles, soit du gouvernement national. C’est pour ca qu’on pousse pour un decret national qui fait cadre et qui reprend tout ca. Autrement on est perdu. Enfin, perdu, non, mais c’est une bagarre epouvantable parce que l’Etat national peut intervenir et dire « Ca, ca va contre des principes generaux » et Bruxelles peut intervenir. Donc il faut faire bouger et la Directive dans cette direction, et la loi nationale. Si on aurait une Directive qui va dans le meme sens, on aurait fait un pas en avant car on pourrait imposer des lois comme ca au niveau regional. Parce que pour le moment, les regions elles te disent « Mais pourquoi? On attend Bruxelles. » Ou l’autre dira « Pourquoi vous ecrivez ca? » et ils ecrivent ce qu’ils veulent.

Q: Mais dis-moi une chose, Antonio. Est-ce qu’on pourrait dire que ce droit collectif sur le patrimoine genetique constitue quand meme un monopole collectif? Parce que tu dis que pour discuter de l’acces, il faut discuter avec la collectivite, efin, ca c’est negocie. Il faut negocier avec quelqu’un donc - - ce droit est investi quelque part dans la collectivite, donc la collectivite a un monopole.

Non. Le monopole est un droit privatif, il empeche aux autres. La, au contraire, la collectivite est la reference avec laquelle il faut negocier. Je te donne un autre exemple: champignons. Tu veux chercher des champignons sur des terres collectives. Alors les champignons, ils sont de tout le monde. Donc chacun peut demander d’aller chercher des champignons. La collectivite ne peut pas dire, « Non, vous, ne venez pas parce que vous n’etes pas d’ici. » La collectivite doit dire quels sont les regles pour chercher des champignons.

Q: Elle ne peut pas interdire?

Pour les champignons, si elle veut interdire, elle doit justifier par quelle fonction. Elle ne peut pas dire « parce que vous n’etes pas d’ici » qu’on ne peut pas chercher des champignons. Mais elle dit « Vous faites un kilo, vous etes des sauvages, vous arrachez les souches des reseaux de champignons et vous faites des dommages. » Et quelques fois ils disent « Puisqu’il y a eu trop de destruction, la, pendant deux ans, vous ne venez plus. »

Q: Donc on peut controler mais on ne peut pas interdire l’acces?

Dans le sens d’utilisation des terres collectives, c’est ca.

Q: Pour les terres. Mais pour les ressources qui se trouvent sur la terre?

Pour les ressources on n’est pas alle aussi loin. Et la definition de monopole n’est pas adaptee a cela parce que les droits collectifs, par definition, sont des droits qui - - ce n’est pas privatif, un droit collectif. Si une terre est couverte d’un droit collectif, avant de faire une maison, il faut faire une negociation avec la collectivite qui possede cette terre et qui gere ce droit. Cette collectivite peut dire, c’etait le cas, « Ah, nous, ici, vous ne faites pas l’hopital. » Et je dis bien hopital - - maison privee, on n’en parle pas. Parce qu’on veut couper le bois et pour faire l’hopital vous devez couper les bois, donc on a dit « Non, vous ne le faites pas. » Or ca signifie deux choses. Et la on parle d’un hopital fait par une administration publique. Donc l’administration publique ne peut pas aller automatiquement faire l’hopital parce que c’est une terre collective. Si c’etait une terre privee, elle aurait du negocier. Si c’est une terre collective, elle doit negocier aussi. La collectivite qui possede les droits peut dire « Oui, faites l’hopital ». Ou les terrains de foot, c’est le cas le plus typique. « Oui, faites le terrain de foot mais on vous donne ca, vous payez, et avec l’argent que vous faites, vous nous faites un jardin public pour les enfants de la creche. » La, je parle des cas tres concrets. Autrement on dit « Non, parce qu’on veut vraiment maintenir la foret des lieges locales, donc pour faites l’hopital vous cherchez ailleurs. » Et point, c’est fini.

Sur les droits collectifs, il y a des administrations qui veillent sur ca. Ils doivent faire respecter ces droits. Normalement, ca doit etre la mairie. Mais souvent ce sont les maires qui sont les premiers qui porte attaque a ces droits, parce que lui il doit faire le champ de foot pour ses copains qui l’ont vote. Donc la premiere chose qu’il fait, plutot qu’a enlever la terre a un prive qui risquent d’etre un de ses copains, il va voir les terres collectives et il dit « Je fais le champ de foot ici. » Et ca arrive de temps a autre que les autres administrateurs publics disent « Non, ca tu ne peux pas faire » et les communuates s’organisent. Il y a un juge pour ca, specifiquement, en Italie. Il y a un tribunal specifique pour les droits collectifs.

Q: Si j’ai bien compris, sous ce regime de droits collectifs pour les ressources genetiques, on ne peut pas interdire l’acces mais on le negocie, on le conditionne.

Tu peux arriver jusqu’a l’interdire, mais ce n’est pas automatique. Ca veut dire que si tu veux metter un droit de brevet ou un IPR, tu ne peux pas venir demander de prendre des resources genetiques locales qui sont proteger par la loi regionale [??] Dans les droits collectifs, il te faut negocier. Peut-etre oui, peut-etre non, mais il te faut negocier. Donc on n’a ni automatiquement acces comme au patrimoine de l’humanite, on y va et on y prend. Ni automatiquement un droit de monopole dans lequel on exclut tout autre de l’utilisation.

Q: Mais on peut interdire quand meme.

On peut arriver a interdire. Parce que la l’utilisation que tu fais, par exemple, si tu veux faire un OGM, je te dis « Non. » Point.C’est prevu dans certaines lois

Q: C’est ca. Et on fait appel a quoi? A un interet collectif, par exemple contre les OGM?

On fait appel a un interet collectif ou a l’institution. Donc, pour interdire l’acces a une terre sous droit collectif je dois prouver l’interet collectif. Tu ne peux pas dire a celui qui veut faire le champ de foot « C’est ’non’ parce que c’est moi. » Mais « C’est ’non’ parce que nous on veut garder le bois. »

Q: Et s’il y un conflit?

Il y un juge special qui s’appelle le Commissaire aux droits collectifs sur les terres.

Q: A quel niveau, regional ou national?

Les regions dans lesquelles ces droits sont importants, ou on a des milliers d’hectares. Dans le Lazio, il y 600.000 ha qui sont couverts par differentes formes de droits collectifs. Six cent mille sur un million d’hectares - - ce n’est pas un phenomene marginal.

Q: Et si une decision prise au niveau de la region, mettons par le Commissaire, lese ou va contre l’interet de Monsanto qui veut prendre quelque chose, est-ce que Monsanto peut faire appel a l’Etat - - national - - pour regler le conflit?

Il peut faire appel a une loi reference mais le Comissaire regional il a la meme valeur, donc c’est un truc qui prend 20 ans pour etre resolu.

Q: Mais ca s’arrete pas a la region, ca peut aller jusqu’a l’Etat?

Tu peux faire appel au Conseil de l’Etat sous raison du droit de citoyennete, mais la matiere est traite au niveau du Commissaire. Mais Berlusconi est en train de changer la loi nationale sur » usi civici » , parce qu’il voudrait faciliter la privatisation, donc il est en train d’enlever les pouvoirs du Commissaire. La, c’est l’Etat souverain qui intervient.

Q: Maintenant je comprends mieux.

Alor tu vois pourquoi on se bat sur ca?

Q: Oui, mais c’est difficilement exportable, Antonio.

Non. La ou il y a de vraies communautes, des indigenes, c’est fantastique, c’est le meme mecanisme.

Q: Oui, mais il y a une structure juridique, un systeme d’institutions et une culture de vie civique qui sont tous particuliers a l’Italie.

Les droits collectifs, comme on a en Italie, ca existe en Espagne. Il y a un peu des restes en France, en Suisse, en Belgique et sur les eaux en Hollande. Donc, ce n’est pas vrai. C’est qu’on n’a jamais travaille serieusement sur ca pour des raisons ideologiques. Puisque ca sent le communisme, on ne le travaille pas. C’est pour ca que je suis farouchement la-dedans parce que c’est une espece d’auto-censure qu’on se fait en disant « De toute facon c’est difficile, de toute facon ca ne va pas passer » et donc on fait des racourcis - - le patrimoine de l’humanite, l’acces libre, on y va et on ne regle pas. Et la, on tombe dans la position etatique de l’Allemagne et de l’Angleterre. Dans le Comite Semences de l’Union Europeenne sur ce theme-la, ils disent « On ne fait pas de regles. » utilisant nos slogan farmer-to-farmer, c’est fantastique, la libre circulation de ces pauvres semences de ces pauvres paysans. Et c’est ca qui est tres dangereux. Ca, dans l’article de GRAIN, il faut bien clarifier meme en allant a l’encontre du mainstream des mouvements. Il faut etre tres, tres clair la-dedans.

Q: Repete alors pour etre clair.

Il faut attaquer les positions qui reviennent mainstream: ressources genetiques, patrimoine de l’humanite. Libre circulation de semences paysannes entre paysans: aussi une betise, s’il y a pas un quadre neogotiè. Ca cache la construction d’un reseau d’industrie semenciere. Etablir des regles, bien, mais si on etablit des regles il ne faut pas se mettre aux regles conformistes, et donc a une forme quelconque d’IPR. Si on met des registres, c’est pas n’importe quel registre, il faut etre precis. Il faut dire, « Tout ca, les registres et les droits doivent etre regis sous une marque de droits collectifs qui sont une experience qui existe en Europe. Travailler, aller chercher dans votre pays comment ca fonctionne, essayons de le mettre dans une base juridique appropriee qui permet de les appliquer au niveau des ressources genetiques. » Et si on le fait en Europe, ce sera un gigantesque pas en avant parce qu’on fait passer des principes de cette division entre le bien materiel et le patrimoine, on sort de la logique stupide du patrimoine de l’humanite, on rentre dans la logique des droits collectifs, et la on a des allies avec des peuples indigenes et avec des pays ou ca existe encore. (Les droits coutumiers en Afrique, il y en a partout, mais partout - - du paturage du parcours du nomade jusqu’a aux champs collectivement travillès Et tu couvres plein de choses. Il y a quelques rares pays qui restent dehors: les Etats-Unis, sauf les indigenes; le Canada, sauf les indigenes. C’est aussi des pays ou ils n’ont pas beaucoup de varietes traditionnelles.

Q: Et le Japon?

Le Japon, ils ont des lois qui reconnaissent les minorites au Japon. Meme en Espagne, tu as meme des lois de droits collectifs et les autonomies. Donc tu mettre ca ensemble, comme en Italie et en Allemagne.

Q: Et dans la pratique, qu’est-ce qui se passe quand il y a des personnes, que ce soit des agents de l’administration publique ou des membres de la collectivite, qui veulent vendre ou destabiliser le systeme?

C’est pour ca que dans la loi, dans les lois regionales, ils ont mis « De toute facon on ne peut pas faire des brevets ». Il faut mettre des barrages. Et c’est dans la legislation, dans la construction d’un cadre juridique. C’est pour ca que l’approache paysan-paysan a ses limites. Parce qu’il faut qu’on intervient avec une legislation. Et il faut dire clairement que les semences paysannes de toute facon ne peuvent pas etre brevetees, de toute facon doivent rester hors d’un systeme d’IPR, de toute facon doivent maintenir la dynamique des populations. Ca maintenant est plus claire aussi pour nous que quand nous avons etablies les lois regionale, c’est un front de lutte.. Parce que meme les droits collectifs doivent se confronter sur ca. Ca c’est le cas. La collectivite locale ne peut pas faire sur ses terres, par exemple, des choses qui sont contre d’autres lois du pays. Ca c’est un regle general.

Q: Mais tant que l’administration publique veille sur ca, il peut arriver un elu fasciste qui supprime la loi.

Bien sur. C’est pour ca qu’il faut s’engager dans la guerrilla institutionnelle. Ce front de lutte ne doit jamais etre le front exclusif. Jamais. Il faut etre dans les rues. Il faut avancer dans les mouvement reels. Il faut concretiser les activites alternatives sur le terrain. Mais l’autre chose qui est fondamental a dire c’est que cette guerrilla institutionnelle doit etre presente dans les batailles qu’on mene. Autrement, on est perdu. Il faut batir des remparts dans lesquels tu te defends quand on t’attaque trop dur. Essentiellement c’est un systeme de guerrilla: tu occupes un terrain, sur lequel (la on a un avantage) tu peux surprendre et on nous attend pas. C’est a dire tu les surprend. Tu a une capacite que l’administration n’a pas. C’est pour ca que, par exemple en France, la reaction de l’Etat est farouche. Vraiment, c’est une reaction hysterique sur cette question des semences. Ils envoie la police fiscal, ils cachent les papiers, ils ne donnent pas les informations. Nous on ne voit pas ca en Italie. Moi, je vois le responsable du Departement de Semences, on s’asseoit, on commente, on fait des choses, il nous demande des commentaires sur la Directive Europeenne. Et on est dans une Italie de Berlusconi - - elle n’est pas forcement plus democratique que d’autres. Mais en France, c’est des hysteriques aux cause de lòa pression des industries semencieres.

Q: Mais c’est quand meme vrai que le fasciste peut venir pour supprimer la loi.

C’est pour ca qu’il faut consolider les autres fronts et elargir la pratique. Pour moi, le mecanisme fondamental c’est la dynamique des populations et elargir l’utilisation. C’est a dire, faire entrer les varietes traditionnelles de plus en plus dans les farming systems. C’est pour ca que je te dis que je m’en fous totalement que les bios utilisent des semences bios si c’est au mepris des semences paysannes. Qu’on utilisent des varietes industrielles bios pour etre certifie, je trouve ca une betise. Pour etre certifiee, je dirais qu’il faut d’abord utiliser du materiel genetique approprie, de preference produit sur la ferme, et de preference variete traditionnelle ou population traditionnelle. Le cas echeant, utilisation des varietes industrielles certifiees bios, le cas echeant. Mais eux ils sont en train de faire le contraire parce qu’il veulent monter une industrie de semences bios. Et la ils savent pas que Novartis va venir et il va les bouffer. Des qu’ils auront cree le marche exclusif ils vont se faire bouffer par les industriels, les vrais industriels.

Q: Est-ce qu’on peut dire que ce systeme de droits collectifs sur le patrimoine genetique construit un IPR-free zone? Tout comme vous avez des GM-free zones?

Oui. C’est la guerilla institutionnelle. Tu occupes une espace, tu crees cette IPR-free zone, tu essaies de la garder, de la gerer, tu te donnes des systemes de protection. Et ca c’est le front institutionnel. C’est pour creer dans les terrains institutionnels un IPR-free zone. C’est comme GMO-free zone. Bien sur, ils peuvent venir et te contaminer. Mais si tu ne fais rien, il te contamineront meme plus. Et les regions, elles changent. Regardez: 11 regions sur 18 en Italie qui ont des lois GMO-free. Maintenant qu’il y a la coexistence on va voir comment elles feront pour s’en sortir. Ca va etre une belle bagarre.