État des lieux de la conservation et valorisation des espèces et variétés locales dans les régions italiennes

Avril 2005, Traduction de l’italien par BEDE

Ricardo Bocci, IAO,

Résumé

Le travail dans les régions italiennes sur les ressources génétiques agricoles devient de plus en plus important, tant en termes de ressources publiques mobilisées qu’en options possibles pour le développement rural des territoires.

Ce document analyse plusieurs situations régionales où la « biodiversité cultivée » est promue, en Italie

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Texte complet

Le travail dans les régions italiennes sur les ressources génétiques agricoles devient de plus en plus important, tant en termes de ressources publiques mobilisées qu’en options possibles pour le développement rural des territoires.

Au cours de l’année 2004, les responsables des régions qui ont des lois sur la sauvegarde et la valorisation des espèces et variétés locales, ou sont dans des situations similaires, se sont rencontrées de façon informelle deux fois.

La première à l’occasion d’une réunion d’échanges d’expériences organisée par l’Istituto Agronomico per l’Oltremare (IAO) de Florence, la seconde pour participer à la conférence internationale sur les droits des agriculteurs (Article 9 du traité International sur les Ressources Génétiques pour l’Alimentation et l’agriculture), organisée par le même institut avec le soutien du Secrétariat à la Commission des ressources génétiques de la FAO.

Dans la discussion sur les problématiques et attentes relatives à la sauvegarde et la valorisation, ainsi que la conservation dynamique des variétés agricoles traditionnelles et/ou locales, et les droits des agriculteurs, ont émergé les points suivants :

  • le manque de coordination nationale sur de tels thèmes et possibilités d’actions futures, ayant le but d’harmoniser les normes et activités.

  • Pour pouvoir organiser et gérer l’utilisation soutenable des ressources génétiques végétales encore traditionnellement présentes dans les régions, il est d’une grande importance qu’on fasse le point sur la situation des semences au niveau national, avec la définition précise des normes pour la commercialisation des variétés intégrées dans la section spéciale « variété de conservation » du registre national, sur la base de la directive 98/95 CEE ;

  • la confusion sur la définition des concepts fondamentaux tels que les variétés de conservation et /ou traditionnelles auxquelles, comme l’ont exprimé la majorité des présents, fait allusion le lien entre ressource génétique, histoire et territoire ;

  • la nécessité d’ouvrir un débat sur la façon dont devraient être sauvegardés les droits des agriculteurs, ce à quoi ils ont droit et à qui ils s’adressent : les agriculteurs « gardiens » , les agriculteurs « améliorateurs » , etc… et surtout quels sont les instruments d’application de tels droits déjà énoncés, sans indications évidentes d’exécution dans l’article 9 du Traité International ; à qui peuvent aller les éventuels avantages (économiques , mais pas seulement) dérivant d’une variété locale maintenue en vie jusqu’à aujourd’hui grâce à une communauté locale déterminée ?

  • la nécessité d’établir un catalogue des variétés locales/ traditionnelles utilisant des fiches de caractérisation et éléments descriptifs communs pour la création de catalogues régionaux avec reconnaissance nationale grâce à l’uniformisation des données collectées, qui concernent non seulement les variétés à risque d’extinction mais aussi celles « autochtones »  ;

  • le nœud crucial relatif à l’innovation non seulement à partir de variétés ou ressources génétiques locales mais aussi de techniques agricoles traditionnelles. La question porte sur les termes de d’implication des agriculteurs dans les phases d’étude et de recherche, dans la réception de leurs attentes, dans la compréhension de leurs droits ;

  • l’identification des instruments possibles (il y a eu un débat intéressant sur la validité du IGP-DOP dans ce sens) et des responsables (communes de montagnes, provinces, ou nouvelles collectivités pour des aires géographiques homogènes seulement dans des buts institutionnels/administratifs) pour la protection des droits des communes locales. Ici il serait opportun de mettre en évidence le fait que souvent ces dénominations se font au détriment de quelques variétés locales, parce que derrière un IGP-DOP, il n’y a pas toujours une variété locale ( et ce ne serait pas la moindre des choses). Ou parce que ceux à demander de telles dénominations ne sont pas les agriculteurs des zones autochtones mais plutôt les autres agriculteurs des zones limitrophes, franchement loin de ces zones autochtones, pour profiter du nom et de l’histoire locale afin d’obtenir la dénomination). Il serait donc nécessaire et opportun de faire un raccord entre les lois régionales sur les variétés de conservation et les normes sur les IGP-DOP.

  • la nécessité d’une valorisation adéquate et d’une amélioration des expériences déjà existantes dans les régions dotées de lois régionales ad hoc (Toscane, Latium, Ombrie, les Marches, Friuli Venezia Giulia).

Voyons maintenant en détail certaines de ces situations :

En Toscane, vraiment, nous en sommes à la seconde loi sur ce sujet. En fait, la loi régionale 50 de 1997 a été modifiée après une année de concertation avec les associations d’agriculteurs, pour tenter de résoudre quelques points qui ne permettaient pas d’être très opérationnel sur le territoire.

La nouvelle Loi Régionale 64 du 16 novembre 2004 (« sauvegarde et valorisation du patrimoine des espèces et variétés locales d’intérêt agricole, zootechnique et forestier » ) donne l’idée de la directive 98/95 et l’article 10 institue le registre régional des variétés de conservation, dans le but de permettre la commercialisation de telles variétés, une fois faites les restrictions quantitatives appropriées. En ce moment est en cours de rédaction le règlement actualisant de telles lois. De 1997 à ce jour, la région de Toscane a beaucoup investi, surtout dans la conservation ex situ. Ont « été faits des recensements des variétés à risque d’érosion, qui ont été ensuite caractérisées et inventoriées à la banque de ressources génétique régionale qui se trouve à Lucca (Lucques). Il a été créé, par ailleurs le profil professionnel d’agriculteurs « gardiens » avec l’objectif de reproduire le matériel conservé à la banque pour pouvoir permettre une conservation adéquate.

Dans les Marches vient à peine d’être réalisé le règlement actualisant la Loi Régionale 12 du 3 juin 2003 (« sauvegarde des ressources génétiques animales et végétales du territoire des Marches » ) . Des commissions ont été nommées , elles s’occuperont de la gestion des répertoires des variétés locales. La région a ouvert une ligne budgétaire spéciale pour réaliser des activités dans ce secteur et lier la valorisation des variétés locales au développement rural à travers le PSR.

Dans le Friuli, 3 ans après l’émergence de la LR du 22 avril 2002 n°11 (« sauvegarde des recherches génétiques autochtones d’intérêt agricole et forestier » ), son application peut être définie comme encore incomplète.

La moitié de cette période a été consacrée à l’institution de commissions technico-scientifiques (article3) et pour l’adoption d’un règlement pour la tenue du registre volontaire régional (article 2). La chaîne de conservation et de sécurité (article4) n’a pas encore été activée. La banque de ressources génétiques – baGAV (article 5) – compte déjà plus de 130 matériaux de collection.

Elle est instituée près de l’Université de Udine dans l’entreprise agraire universitaire « A. Servadei » , sur les bases des ressources financières données grâce à la LR 11/2002 dans les années 2002, 2003 et 2004 ; elle a été organisée entre les espaces et les équipements en partie déjà existants et est en train de se mettre en place la gestion, la caractérisation et l’évaluation de dizaines de matériaux végétaux d’intérêt agricole, pour une grande part des graines d’espèces herbacées.

Les matériaux des espèces herbacées aujourd’hui gérés par le baGAV, proviennent des données conduites entre 2001 et 2003 avec « l’ enquête sur l’état des ressources génétiques autochtones d’intérêt agricole » sur des fonds régionaux et MiPAF du Programme National sur la Biodiversité et les ressources génétiques.

Les matériaux des espèces de fruit et vigne sont récupérés et gérés, provenant des précédents projets entre lesquels il faut signaler GENRES 081 (années 1997-2002), sous la responsabilité du professeur E. Peterlunger. Il est utile de signaler également que sont en cours ou phase d’évaluation les projets d’environnement de montagne (INTERREG III Italia-Austria e IMONT) ayant pour objet la valorisation des ressources génétiques végétales autochtones, en particulier des espèces de fruit. Enfin, sur la base du travail conduit par Luisa dalla Costa en collaboration avec l’Université de Udine et par Costantino Cattivello de l’ERSA, avec le soutien du Parc Régional des pré-alpes Giulie (Docteur Stefano Santi) il a été possible d’inclure un biotype d’ail rouge (ail de Resia, UD) et une espèce spontanée traditionnellement utilisée (Cicerbita alpina) par une certification Slowfood.

Dans le Latium, la situation n’est pas différente de celle décrite pour les autres régions. Il a été mis en avant le travail d’enquête sur le territoire qui a abouti au catalogue et à l’inventaire des ressources génétiques locales.

L’Ombrie et les Abruzzes ont récemment présenté leurs travaux de recherche sur les variétés locales réalisées en collaboration avec les agences régionales de développement agricole et quelques universités.

Toutes ces situations démontrent combien les activités de recherche sur le territoire sont en plein essor, grâce aussi aux synergies qui existent entre les universités et les agences de développement dans ce secteur.

Le point critique du système, sur lequel tout le monde est d’accord, est de trouver le moyen que cela devienne une opportunité de développement rural. Le décret sur les variétés de conservation pourrait être un premier pas important dans cette direction, d’une part parce qu’il offrirait aux régions un cadre normatif dans lequel évoluer, d’autre part, parce qu’il autoriserait à cultiver quelques unes de ces variétés actuellement conservées dans les banques de graines.