Commentaires au document de travail de la Commission Européenne pour la mise en oeuvre de la directive 98/95

CNDSF, FNAB, Confédération Paysanne, Nature&Progrès, Mouvement de Culture Biodynamique,

Résumé

Positionnement des organisations bio, de la CP et de la CNDSF sur le premier document de travail de la Commission européenne, tentant de définir, en novembre 2002, le concept de « variétés de conservation », ouverture réglementaire en faveur des variétés locales, de terroir, paysannes.

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Texte complet

Le 28 janvier 2002

Préambules

1. Il nous paraît en premier lieu important d’affirmer que les ressources génétiques et la biodiversité en général ne doivent pas être considérées comme figées et immuables. En particulier, la plasticité relative des espèces cultivées permet de faciliter leurs adaptations aux conditions de milieux et de cultures. Cette évolution du matériel génétique, même si elle peut être orientée par l’Homme reste une caractéristique du monde vivant, dont font partie les semences et les plants. Il est donc essentiel que la législation intègre cette dynamique propre des semences et des plants.

2. Par conséquent, nous ne pouvons que réaffirmer l’idée que la conservation in situ des ressources génétiques des plantes cultivées se doit de privilégier la conservation à la ferme, c’est à dire celle au contact avec un milieu changeant, plutôt que la conservation en banques de gènes, afin que d’une part les ressources génétiques restent en co-évolution avec leur milieu (conditions pédo-climatiques et de cultures principalement), et que d’autre part les paysans disposent toujours des semences adaptées à leurs conditions de production. La législation doit ainsi permettre une gestion très décentralisée de la conservation de la biodiversité et des ressources génétiques.

3. L’état d’érosion génétique est aussi le résultat d’un mode de sélection destiné à adapter les plantes à l’utilisation intensive d’intrants, qui homogénéisent les conditions de production. La conservation de la biodiversité nécessite, elle, des variétés adaptées à chaque condition locale ou régionale, mais aussi des variétés suffisamment ouvertes pour pouvoir s’adapter à la diversité de milieux et de conditions climatiques en constant changement. La sélection de variétés pour des systèmes de culture particuliers, utilisant peu ou pas d’intrants (agriculture biologique, soutenable, etc.), développe un important potentiel de variabilité leur permettant de s’adapter à cette diversité. C’est pourquoi il nous paraît nécessaire d’inclure aussi dans les variétés de conservation les variétés adaptées à des systèmes de culture particuliers, quelle que soit leur localisation.

4. De même des modes de transformation ou de commercialisation particuliers nécessitent des variétés particulières qui leur sont adaptées : par exemple, aptitude à la panification au levain naturel, prédominance du goût sur l’aptitude à la conservation pour les fruits et légumes distribués en circuit de distribution de proximité…. L’étroitesse de chacun de ces marchés par ailleurs, très diversifiés, ne permet pas l’inscription aux catalogues officiels de ces variétés qui leur sont adaptées. C’est pourquoi, elles devraient trouver naturellement leur place parmi les variétés de conservation.

5. Toutes les espèces cultivées sont menacées d’érosion génétique. En effet, certaines espèces cultivées, ont soit été totalement abandonnée lors du développement de l’agriculture à partir de la deuxième moitié du XXème siècle, soit appauvrie par une sélection par et pour l’agriculture chimique. En tout état de cause, la sélection pour des caractéristiques spécifiques d’adaptation à un terroir et/ou à des modes de production ou de transformation particuliers a largement été abandonnée. Il nous paraît donc primordial d’inclure dans l’objet de la directive, en prenant soin au cas par cas des impératifs sanitaires liés à chaque espèces ou groupe ou sous groupe d’espèces, l’ensemble des ressources génétiques des plantes cultivées.

Propositions de compléments au document de travail pour la mise en Ĺ“uvre de la directive 98/95/CE

Titre : remplacer « la commercialisation des semences et plants de pomme de terre… » par « la commercialisation des semences et plants issus de semences ou obtenu par multiplication végétative… »

1.Variétés de conservation

1.1 Définition

Comme précisé ci-dessus dans le préambule, il nous est difficile de restreindre la notion de variétés de conservation aux seules variétés locales, régionales et/ou traditionnelles. Certaines pratiques agricoles, comme l’agriculture biologique qui fait déjà l’objet de dispositions particulières dans cette même directive, mais aussi de nombreuses formes d’agriculture durable sont utilisatrices de semences non destinées à être inscrites dans les catalogues existants, mais nécessitant néanmoins un enregistrement.

  • En conséquence, nous proposons de rajouter un 3ème point en (c) : ou adaptées à des conditions particulières de culture, ainsi que de transformation ou de commercialisation de la récolte.

Les variétés supprimées du catalogue officiel doivent pouvoir passer au catalogue de conservation, sans rester indisponibles pendant 3 à 5 ans, afin de ne pas limiter arbitrairement leur utilisation.

  • En conséquence, nous proposons de ne pas retenir les deux points en italique et entre parenthèse de l’alinéa (b)

1.2. Conditions d’acceptation

Les variétés de conservation doivent de toute évidence pouvoir se distinguer des variétés déjà inscrites. Il est par contre clair qu’elles ne peuvent répondre aux critères d’identification utilisés actuellement pour l’inscription sur le catalogue officiel, qui sont basés principalement sur la stabilité et l’homogénéité de caractères morphologiques. La spécificité des semences de conservation est aussi liée à des critères qualitatifs : adaptation à des conditions particulières (absence ou limitation des traitements phytosanitaires, sécheresse, terroir…), qualités gustatives spécifiques, aptitude à une transformation artisanale… Leur adaptation à des conditions particulières ou locales non figées nécessite des caractères morphologiques moins homogènes, et moins stables tout en ayant des caractéristiques qualitatives définies.

L’inscription sur un catalogue de variétés de conservation nécessite des critères d’identification adaptés à ces variétés de conservation. Il tombe sous le sens que des variétés anciennes, que des variétés sélectionnées selon des critères antérieurs à ceux retenus dans les catalogues actuels ne sont pas plus identifiables par les critères utilisés aujourd’hui que des variétés populations issues de sélection paysannes contemporaines. Il est donc souhaitable de voir se mettre en place une démarche jurisprudentielle, basée sur les savoirs faire des paysans et des praticiens de la conservation des ressources génétiques qui permette l’établissement de ces nouveaux critères d’identification. En attendant l’établissement de cette jurisprudence, il faudra néanmoins s’assurer que les variétés prétendant à l’inscription sur le catalogue de conservation ne soient pas identiques à des variétés inscrites sur le catalogue officiel.

  • C’est pourquoi il nous paraît que la proposition de Texte Alternatif en italique et entre parenthèse ne peut pas être retenue.

La déclaration de l’origine géographique ou de la région d’adaptation n’est pas pertinente dans le cas des variétés adaptées à des conditions particulières de culture ou de transformation et de commercialisation de la récolte.

  • Au point (a) nous proposons d’insérer après «source du matériel »  : « pour les variétés adaptées à des conditions locales et régionales. »

Considérant la biodiversité et les ressources génétiques comme patrimoine commun de l’Humanité, il appartient à la puissance publique de veiller à sa préservation et à sa disponibilité. Le marché ne peut apparaître dans la plupart des cas comme régulateur étant donné, d’une part l’étroitesse des débouchés, et d’autre part les coûts d’une maintenance sérieuse. Il est donc de la responsabilité des pouvoirs publics de prendre en charge, par le biais de soutien financiers ou directement ce travail de maintenance des variétés de conservation.

  • Cette possibilité doit rester ouverte au point (e), notamment dans la note 2.

    Les points (f) et (g) peuvent être redondants

    Nous proposons d’en faire un seul point en en faisant deux solutions alternatives : …tests non officiels ou la connaissance acquise….

    Pour les mêmes raisons que celles invoquées au point (e) ci-dessus, les tests demandés par « l’autorité désignée » , l’inscription et son renouvellement doivent pouvoir se réaliser sans frais pour le demandeur.

    La remarque en italique à la fin du 1.2 fait double emploi avec le 1.1 (b) et peut ne pas être retenue.

1.3Conservation et multiplication.

La maintenance ne concerne que la conservation et non la multiplication

  • Supprimer le terme « multiplication » dans le titre

Pour les mêmes raisons que celles invoquées au 1.2 (a) ci-dessus, il est nécessaire de rajouter en introduction de ce point :

  • «Pour les variétés adaptées à des conditions locales et régionales. »

Par ailleurs cette obligation doit être modérée car elle risque d’entraîner la disparition définitive de certaines variétés en cas d’accident climatique ou lorsqu’il n’y a plus aucun mainteneur dans la région d’origine.

  • Nous proposons de rajouter : « autant que possible »

1.4. Conditions pour la commercialisation

Pour les mêmes raisons que celles invoquées plus haut (variétés adaptées à des contions particulières de cultures…)

  • nous proposons de ne pas retenir la phrase en italique et entre parenthèse.

En ce qui concerne l’étiquetage :

  • Il serait intéressant de rajouter : « (j) s’il y a lieu, les indications nécessaires concernant tout usage particulier, la région d’origine ou d’adaptation »

2.Les variétés « amateurs » d’espèces végétales.

Les mêmes remarques que pour les variétés de conservation peuvent être faites concernant les variétés amateurs.

3.Mélanges de semences de conservation

L’intérêt pour une gestion durable de la biodiversité de la commercialisation de mélanges ne se limite pas aux végétations naturelles ou semi-naturelles d’habitats spécifiques. En effet, de nombreuses plantes ont tout à gagner en terme de résistance naturelle aux maladies comme en terme de productivité cumulée à être cultivées en mélange de plusieurs variétés de la même espèce comme en mélange d’espèces. Le maintien en culture d’un large éventail de variétés favorise l’adaptation naturelle aux conditions locales de l’année qu’on ne connaît pas au moment du semis.

Les mélanges de variétés et d’espèces potentialisent par ailleurs les synergies et complémentarités entre plantes différentes ainsi que les barrières physiques ou chimiques à la progression des parasites et maladies. Le mélange au moment du semis de graines précédemment cultivées séparément ne permet pas de sélectionner ces graines en fonction de leur capacité à se développer en mélange. C’est pourquoi, dans la mesure où les contraintes liées à la culture et à la récolte le permettent, il est préférable de sélectionner, multiplier, récolter et commercialiser ces graines en mélange et non séparément.

En interdisant ce type de sélection, l’interdiction de commercialisation de mélanges au-delà de ceux liés à des habitats spécifiques serait un facteur important d’accélération de l’érosion génétique.

C’est pourquoi nous proposons les modifications suivantes :

3.1 Définition.

  • « Les mélanges de semences de conservation sont des mélanges de variétés ou d’espèces qui :  »

  • Rajouter en (a) : « ou adaptées à des conditions particulières de culture.»

3.2 Condition pour l’acceptation

  • Supprimer à la fin du premier paragraphe : « pour la commercialisation dans des secteurs définis »

  • Rajouter en introduction des deux paragraphes suivants, avant « Pour enregistrer des provenances…. » et avant « L’approbation doit inclure… »  : « lorsque le mélange est intrinsèquement lié à un habitat spécifique »

  • Au point (a), rajouter après « une déclaration de provenance » : «et s’il y a lieu »

La biodiversité n’existe que parce que les graines et les plants ont pu au cours de l’histoire se déplacer d’une région à une autre, naturellement ou grâce à l’action de l’homme. Autant il nous semble normal que le règlement interne d’une A.O.C. ou d’une A.O.P. puisse indiquer l’obligation de sélectionner, multiplier et cultiver une variété ou un mélange de variétés et d’espèces dans une région déterminée pour pouvoir revendiquer l’appellation, autant ce type d’obligation nous paraît contraire au développement de la biodiversité dans un règlement à portée générale.

  • Aussi, nous proposons de supprimer à la fin du (a): « et la région destinée à l’utilisation »

3.3 Conditions pour la commercialisation.

Pour les mêmes raisons que celles évoquées plus haut,

  • Nous proposons de remplacer la phrase « Seules les semences récoltées de provenances approuvées peuvent être commercialisées » par « Seules les semences récoltées de provenances connues peuvent être commercialisées » ,

  • Et de rajouter : « les semences sélectionnées et multipliées séparément doivent être commercialisées séparément, seules les semences sélectionnées et multipliées en mélange peuvent être commercialisées en mélange »